La diplomatie Française a pris un gros coup ce matin après que le Tchad a annoncé en toute surprise qu’il mettait fin à l’accord de coopération en matière de défense signé avec la France en 2019, décision intervenue seulement quelques heures après une visite cordiale à Ndjamena du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Les autorités françaises ont exprimé leur étonnement, d’autant plus que ce revirement n’a pas été anticipé.
Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a réagi en affirmant que la France « prend acte » de cette décision, tout en restant ouverte à « poursuivre le dialogue avec le gouvernement Tchadien », ce dernier a fait savoir qu’il souhaitait revoir les termes de sa coopération en matière de sécurité et de défense. La France a, par ailleurs, rappelé qu’elle réfléchit depuis plusieurs mois à la reconfiguration de ses forces en Afrique, dans un contexte de renouvellement des partenariats et des priorités stratégiques.
Un revers diplomatique pour la France
La rupture annoncée par Ndjamena a profondément perturbé la diplomatie française. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui se trouvait encore au Tchad lorsque l’annonce a été faite, n’a pas été informé en amont de la décision, pris de court, il a tenté d’obtenir des explications dans l’urgence.
D’après RFI, certaines sources diplomatiques annoncent que cette annonce a provoqué une réunion de crise au sein du cabinet présidentiel et des services de renseignement français. Le timing de cette décision est particulièrement surprenant, Jean-Noël Barrot, qui avait rencontré le président tchadien Mahamat Idriss Déby la veille, n’a pas évoqué la possibilité d’une telle rupture lors de ses échanges avec son homologue tchadien.
La déclaration commune des deux ministres des Affaires étrangères, faite après la rencontre, n’a pas non plus fait mention d’une remise en question des accords de défense. Au contraire, le ministre Tchadien, Abderaman Koulamallah, a souligné l’importance de la France en tant que partenaire tout en insistant sur le fait que le Tchad est désormais un « État souverain » qui cherche à réévaluer ses relations internationales.
La souveraineté du Tchad et le désir d’émancipation
Pour de nombreux Tchadiens, la fin de l’accord de défense est perçue comme une victoire symbolique. Elle représente, selon eux, «une affirmation de la souveraineté nationale», après des années de présence militaire française. Dans la capitale Ndjamena, les habitants ont exprimé leur soulagement et leur enthousiasme et beaucoup estiment que le Tchad doit désormais se libérer de l’influence coloniale.
Cette rupture survient dans un contexte où les relations entre le Tchad et la France ont été tendues ces dernières années. De nombreux Tchadiens se sont dits déçus par le manque de soutien de l’armée française lors des affrontements contre Boko Haram dans la région du Lac Tchad, survenus quelques semaines auparavant.
Le pays, qui abrite encore un millier de soldats français, s’est vu faire face à des menaces régionales sans bénéficier de l’aide militaire espérée de Paris et cette situation a alimenté un sentiment de frustration. Par ailleurs, certains membres du gouvernement Tchadien, dont Saleh Kebzabo, médiateur de la république et ancien opposant à Idriss Déby, ont souligné la nécessité d’une relation plus équitable avec la France.
Selon lui, la fin de l’accord de défense ne signifie pas la rupture totale des liens entre les deux pays, mais plutôt le début d’un partenariat plus respectueux de la souveraineté du Tchad. « Nous ne rejetons pas la France, mais nous voulons que la coopération soit basée sur le respect mutuel », a-t-il déclaré.
Vers un nouveau partenariat ? La crainte d’un rapprochement avec la Russie
Bien que la majorité des Tchadiens semble voir cette rupture comme un progrès vers l’indépendance, certains craignent que la fin des accords de défense ne mène à un rapprochement avec d’autres puissances, notamment la Russie. Dans un contexte où plusieurs pays africains se tournent vers Moscou pour divers partenariats économiques et militaires, des voix se sont élevées à Ndjamena pour exprimer leurs préoccupations.
Certains s’inquiètent que l’implantation d’un autre partenaire militaire, comme la Russie, puisse remplacer celle de la France, modifiant ainsi l’équilibre géopolitique de la région. Cependant, ces voix restent minoritaires, et la majorité des Tchadiens estime que leur pays doit pouvoir choisir ses partenaires sans ingérence extérieure.
En l’état actuel des choses, il est encore difficile de prédire la direction exacte que prendra le Tchad après cette décision. Certains experts en relations internationales estiment qu’il est possible que le pays cherche à diversifier ses partenariats militaires, en établissant de nouvelles alliances avec d’autres pays africains ou internationaux, sans nécessairement se tourner vers une seule puissance étrangère.
Une rupture dans un contexte plus large de désengagement Français au Sahel
La décision du Tchad de rompre les accords de défense avec la France survient dans un contexte plus large de désengagement militaire français au Sahel. Après avoir été chassée du Mali, puis du Burkina Faso et du Niger, la France voit son influence en Afrique de l’Ouest et du Sahel se réduire progressivement. La fin de l’accord avec le Tchad, dernier pays sahélien à accueillir des troupes françaises, pourrait être le dernier acte d’un retrait plus global de l’armée française de la région.
Dans ce contexte, certains analystes soulignent qu’il est impératif pour Emmanuel Macron de repenser ses priorités en Afrique et de renouveler ses partenariats militaires et économiques dans la région, tout en prenant en compte les aspirations des populations locales. Pour la France, l’enjeu est désormais de maintenir des relations équilibrées avec ses anciens alliés Africains, tout en réorientant sa politique de défense et de sécurité pour s’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques.
Une page se tourne pour la France au Tchad
La rupture des accords de défense entre le Tchad et la France marque sans doute la fin d’une époque. Cette décision symbolise l’évolution des rapports de force entre les anciennes puissances coloniales et les pays africains, qui cherchent de plus en plus à affirmer leur autonomie.
Pour le Tchad, il s’agit d’un acte de souveraineté, alors que pour la France, c’est un revers diplomatique qui pourrait marquer la fin de son influence militaire dans le Sahel. La coopération future entre les deux pays se redéfinira sans doute dans d’autres domaines, mais cette rupture laisse présager un changement radical dans les relations Franco-Tchadiennes.
Constantin GONNANG, Afrik Inform ☑️