Politique

Cameroun| Pour une seule communauté économique en Afrique centrale : Yaoundé accueille un sommet historique pour unir la CEMAC et la CEEAC

Le 18 juillet 2025, la capitale camerounaise deviendra le théâtre d’un tournant stratégique pour l’Afrique centrale. À l’invitation du président Paul Biya, les chefs d’État des deux grandes organisations régionales, la CEMAC et la CEEAC, se réuniront pour formaliser une fusion en gestation depuis près de deux décennies.

Une décision cruciale pour rationaliser les instruments d’intégration, fluidifier les échanges, renforcer les institutions communautaires et offrir à la région un espace économique unifié et cohérent. Cette initiative, portée sous l’égide de l’Union africaine, marque une tentative ambitieuse de corriger l’échec chronique de la coopération régionale en Afrique centrale.

L’enjeu est de taille : mettre fin à une architecture institutionnelle complexe et inefficace, marquée par la redondance des programmes, l’éclatement du marché régional, et l’érosion de la volonté politique commune. Selon les organisateurs, cette rencontre vise à poser les bases juridiques, institutionnelles et politiques d’une Communauté Économique Régionale (CER) unifiée pour l’Afrique centrale.

Vers une seule communauté : dénomination, traités, institutions… tout sera décidé à Yaoundé

Les chefs d’État sont attendus pour valider une série de décisions stratégiques. Parmi elles : le choix du nom de la nouvelle entité régionale, la localisation de ses organes exécutifs et judiciaires, ainsi que l’adoption de son traité constitutif. Ce dernier devra encadrer les nouvelles institutions : un Parlement communautaire, une Cour de justice et des droits de l’Homme, une Cour des comptes, une Haute autorité monétaire et bancaire, et une autorité des marchés publics.

Un plan de transition balisera le passage effectif des structures actuelles vers ce nouvel édifice institutionnel.Il est également prévu d’adopter un cadre réglementaire pour les écoles de formation communautaires, qui joueront un rôle essentiel dans la construction des compétences régionales.

Plusieurs de ces établissements seront regroupés dans une grande école de formation communautaire, intégrant notamment l’ISSEA (Cameroun), l’ERFMNI (RDC), l’ISTA (Gabon), et le CIESPAC (Congo).

Un projet ancien, freiné par les inerties politiques et l’inflation institutionnelle

La fusion entre la CEMAC et la CEEAC n’est pas une idée nouvelle. Elle remonte officiellement au sommet de Brazzaville en 2007, où les chefs d’État avaient exprimé leur volonté de converger vers une seule communauté. En 2009, à Kinshasa, un projet de rationalisation a été présenté et validé. Mais depuis, le chantier a pris des allures de serpent de mer, englué dans les lenteurs administratives, les intérêts divergents des États membres, et l’absence de mécanismes contraignants.

Le diagnostic est pourtant sans appel : l’Afrique centrale est la région du continent où l’intégration régionale est la plus faible. La coexistence de deux CER indépendantes mais aux objectifs similaires a contribué à fragmenter le marché, à multiplier les structures coûteuses, et à ralentir les efforts d’unification économique.

Un rapport du comité de pilotage publié en juin 2024 révélait que seulement 55,31 % des objectifs de fusion avaient été atteints, malgré l’existence d’une feuille de route validée depuis 2022.

Des ambitions économiques dans un monde en mutation

Au-delà des aspects institutionnels, ce sommet se veut aussi une réponse à des défis économiques pressants. Dans un contexte mondial instable, marqué par des conflits commerciaux, la désorganisation des chaînes d’approvisionnement et une inflation galopante, les pays d’Afrique centrale – largement dépendants des importations – doivent renforcer leur résilience.

Selon la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), les échanges commerciaux intra-africains restent inférieurs à 10 %, et ceux de l’Afrique centrale ne dépassent pas les 5 %.La création d’un espace économique régional cohérent pourrait donc ouvrir la voie à une zone de libre-échange plus dynamique, en cohérence avec la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine), dont l’opérationnalisation reste encore partielle.

Plusieurs avancées techniques ont déjà été enregistrées : un projet de Code des douanes unifié, un tarif extérieur commun, une politique commerciale harmonisée, et l’identification de douze secteurs prioritaires (sécurité, santé, libre circulation, fiscalité, etc.).

Le test de la volonté politique

Toutefois, la réussite de cette refondation dépendra d’un facteur clé : la volonté politique réelle des dirigeants de la région à dépasser les intérêts nationaux pour construire un avenir collectif. Les experts s’accordent à dire que sans engagement ferme, les textes resteront lettre morte et le nouvel édifice risque de reproduire les blocages du passé.

Ce sommet apparaît ainsi comme l’ultime chance de réinitialiser l’intégration régionale en Afrique centrale. Il s’agit de sortir du cercle vicieux des déclarations sans suite, des institutions en doublon, et des projets avortés. Pour Paul Biya, doyen des chefs d’État de la région, ce serait un legs diplomatique majeur, à l’heure où les rapports de force mondiaux imposent une réorganisation des blocs économiques.

Une architecture communautaire à reconstruire pierre par pierre

Parmi les mesures à l’étude figure aussi la redéfinition du rôle des écoles de formation communautaires. Sept structures clés seront intégrées dans le nouveau système, dont l’Institut de l’économie et des finances (IEF-PR) au Gabon, l’École inter-États des douanes en Centrafrique, et la future École de l’hôtellerie et du tourisme, prévue au Cameroun.

Ces centres devront non seulement accompagner la formation technique des cadres régionaux, mais aussi incarner l’esprit d’une intégration par les compétences et la mobilité. Dans cette perspective, les États hôtes des institutions devront garantir les moyens et l’autonomie de fonctionnement de ces structures, en phase avec le nouveau modèle de gouvernance communautaire.

L’Afrique centrale à la croisée des chemins

À quelques jours de la tenue de ce sommet, une chose est certaine : l’Afrique centrale ne peut plus se permettre d’attendre. Dans un continent où les autres régions progressent à grande vitesse dans leur intégration (CEDEAO en Afrique de l’Ouest, EAC en Afrique de l’Est, SADC au Sud), le centre du continent reste à la traîne.

Le rendez-vous du 18 juillet à Yaoundé est donc bien plus qu’un sommet institutionnel : c’est un test de maturité, une relance attendue, et peut-être le point de départ d’une nouvelle ère pour une région longtemps divisée par ses propres structures.

Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️

Afrik-Inform

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