Emmanuel Macron a enfin levé le voile sur lâhomme qui incarnera son « gouvernement dâintérêt général ».Ce vendredi 13 décembre, il a mis à découvert lâidentité de son nouveau Premier ministre, mettant ainsi un terme à plusieurs semaines dâincertitude. François Bayrou, à 73 ans, prend les rênes du gouvernement, succédant à Michel Barnier. Un choix symbolique, tant cet homme de compromis et de patience a longtemps attendu ce moment.
Cela faisait sept ans que François Bayrou espérait cette nomination. Longtemps perçu comme un outsider dans la course à Matignon, il se voit enfin récompensé de ses efforts. Mais, comme il lâa confié récemment, la certitude de sa nomination nâétait pas de mise : âJe pensais que si un jour cette responsabilité mâétait confiée, cela signifierait que la situation serait grave,â avait-il déclaré, citant la célèbre phrase de Clemenceau. Le âTigerâ de la politique française nâavait pris les commandes quâà un âge avancé, pour redresser une nation en crise.
Le parcours de François Bayrou est une véritable saga politique. Né dans une famille dâagriculteurs des Pyrénées-Atlantiques, il a tracé son chemin dans le paysage politique français, tantôt à gauche, tantôt à droite. Débutant sa carrière en soutenant Valéry Giscard dâEstaing dans les années 1970, il gravit les échelons, dâabord comme conseiller, puis élu député en 1986. En 1993, il devient ministre de lâÃducation nationale dans un gouvernement de cohabitation avec Ãdouard Balladur.
Son indépendance de pensée, sa double fidélité à la fois à la laïcité et à sa foi catholique, lui ont permis de se démarquer tout au long de sa carrière. Ce mélange de souplesse et de fermeté en fait un homme rare, respecté même de ses adversaires. Cependant, François Bayrou a souvent été critiqué pour son manque dâaction concrète, accablé par ceux qui lui reprochent un discours plus théorique que pratique. Jean-Michel Blanquer, son successeur au ministère de lâÃducation, lâa ainsi accusé de privilégier le verbe à lâaction, une critique qui lâa poursuivi pendant des années.
Le cÅur de la politique de Bayrou sâest longtemps situé au centre. Un centre quâil tente de définir à sa manière, loin des clivages traditionnels gauche-droite. Après avoir présidé le Centre des Démocrates Sociaux, puis lâUDF, il a finalement fondé le MoDem, un mouvement qui, malgré une traversée du désert, a trouvé sa place sous la houlette dâEmmanuel Macron en 2017. Leur alliance, dâabord perçue comme improbable, sâest révélée stratégique. Loin dâêtre le seul soutien des puissances de lâargent, comme il lâavait jugé dans un premier temps, Bayrou a finalement vu en Macron un homme capable de changer les règles du jeu politique français.
Mais le parcours de François Bayrou nâa pas été sans embûches. En 2017, sa nomination au poste de ministre de la Justice fut écourtée en raison dâune enquête liée à lâaffaire des assistants parlementaires du MoDem. Pourtant, ce contretemps ne lâa pas empêché de conserver sa place au cÅur du pouvoir. Et aujourdâhui, avec la démission de Michel Barnier, câest lui qui prend les rênes, au moment où la situation politique semble nécessiter une stabilité fragile.
Emmanuel Macron semble avoir misé sur un homme capable de calmer les tensions tout en ayant une marge de manÅuvre suffisante pour ne pas sombrer dans lâimmobilisme. Ce choix reflète une volonté dâéquilibrer le gouvernement, à lâheure où le pays peine à se remettre des fractures sociales et politiques. Bayrou, fidèle mais indépendant, pourrait incarner cette figure de lâunité nationale quâEmmanuel Macron cherche à incarner, sans tomber dans lâexcès dâun seul camp. Il a su maintenir des liens avec des personnalités de gauche, tout en sâouvrant à des voix de droite, et il a même réservé un traitement particulier à lâextrême droite.
Les relations avec Marine Le Pen, bien que tendues, nâont jamais été coupées. Bien quâelle ait critiqué la nomination de Bayrou, en le qualifiant de prolongement du macronisme, elle a aussi souligné quâil devra réussir là où Michel Barnier a échoué, en écoutant véritablement lâopposition et en bâtissant un consensus autour dâun budget réaliste.
Alors, comment François Bayrou va-t-il réussir là où dâautres ont trébuché ? Son objectif semble clair : éviter lâimpasse en créant un gouvernement dâunité nationale qui saurait éviter les erreurs du passé. Il évoque régulièrement la nécessité de prendre des risques et de ne pas rester dans lâordinaire. En mettant en Åuvre des réformes ambitieuses, comme la proportionnelle à lâAssemblée, quâil réclame depuis des années, il pourrait relancer la machine politique du pays.
Ce pari audacieux de François Bayrou sâapparente donc à un jeu de haute voltige. En intégrant une large part de compromis et en tentant de rallier des forces politiques disparates, il pourrait bien incarner la solution à une crise de régime grandissante. Mais, comme toujours en politique, les belles promesses ont souvent du mal à se traduire en réalités concrètes. La partie est loin dâêtre gagnée, mais à 73 ans, François Bayrou est bien décidé à relever ce défi à la tête du gouvernement.
Constantin GONNANG avec France 24 pour Afrik Inform âï¸
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