L’ancien ministre de la Communication dénonce des manœuvres de déstabilisation contre le FSNC, évoquant pressions politiques, sabotages numériques et marginalisation médiatique. Des accusations qui résonnent étrangement… comme un écho lointain des plaintes qu’il tournait jadis en dérision.
Il fut longtemps l’un des visages les plus implacables du régime. Porte-voix de l’État à l’époque des crises, Issa Tchiroma Bakary répliquait avec vigueur aux critiques de l’opposition, justifiant les dérives, minimisant les alertes, méprisant les soupirs.
Aujourd’hui, l’ancien ministre devenu chef d’un parti affaibli expérimente l’autre versant de la joute politique camerounaise : celui où l’on dénonce à son tour les pratiques du pouvoir.
Dans un communiqué publié ce mardi 9 juillet, le président national du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) hausse le ton. Il affirme que sa formation politique est la cible de « manœuvres sournoises » orchestrées par certains cercles du pouvoir, avec pour objectif assumé de l’affaiblir à l’approche des échéances électorales.
« Des actes de corruption politique, d’un autre âge »
Le ton est grave, les mots pesés, la colère contenue. Le FSNC, selon son président, aurait été victime d’une opération de débauchage en règle, avec à la clé « des pressions politiques et financières sur plusieurs cadres influents » du parti, afin de provoquer leur départ.
Tchiroma déplore des « actes de corruption politique, d’un autre âge », dont les auteurs ne sont pas nommés, mais clairement pointés du doigt. « Il n’est plus nécessaire de citer les noms, tant leur posture actuelle les désigne eux-mêmes », tranche-t-il.
Sabotage numérique et cyberattaques ciblées
Au-delà des jeux d’influence, l’ex-ministre de l’emploi et de la formation professionnelle évoque un sabotage numérique ciblé, accusant des mains invisibles d’avoir piraté le site officiel de collecte de dons du FSNC, un outil-clé dans leur stratégie électorale.
À cela s’ajouterait, selon le communiqué, le blocage inexpliqué de la page Facebook officielle du parti, ce qui prive le FSNC de sa principale vitrine de communication. « Ces actes combinés ne sauraient être interprétés autrement que comme une tentative délibérée d’étouffer une voix alternative sur la scène politique camerounaise », écrit-il, dénonçant une atteinte au pluralisme garanti par la Constitution.
Tchiroma dans la peau de ceux qu’il contestait
Ironie du destin politique : les accusations lancées aujourd’hui par Issa Tchiroma Bakary reprennent, presque mot pour mot, les doléances exprimées depuis des années par l’opposition camerounaise, souvent balayées par ce même homme à l’époque où il siégeait au gouvernement.
Ce glissement de posture — du défenseur du régime à l’opposant frustré — n’échappe à personne. Il rappelle une constante du jeu politique camerounais : la précarité des alliances et la brutalité des ruptures.
Le FSNC reste « debout » malgré tout
Malgré les turbulences, le leader du FSNC veut rassurer ses troupes. Il affirme que des mesures ont été prises pour sécuriser les outils numériques, relancer la campagne de financement participatif par d’autres canaux, et intensifier la mobilisation sur le terrain.
Tchiroma se veut stoïque, fidèle à sa ligne : « Le Parti reste debout, structuré et engagé dans la défense de ses idéaux». Il conclut son adresse par un appel à la responsabilité collective, invitant tous les acteurs politiques à œuvrer dans le respect mutuel et l’intérêt supérieur du peuple camerounais.
En prenant désormais la parole pour dénoncer ce qu’il qualifie de « dérives antidémocratiques », Issa Tchiroma Bakary semble avoir franchi le mur qu’il avait lui-même contribué à bâtir.
Un changement de perspective qui interpelle, amuse ou inquiète — selon les bords. Mais au-delà de la posture, une réalité s’impose : la marge d’expression pour les partis non-alignés se rétrécit, même pour ceux qui hier encore étaient au centre du jeu.
Afrik inform ☑️
