L’évêque de Bafang marque son « indignation face à des propos déplacés et condescendants » du Gouverneur de l’ouest.

Félicité par le gouverneur de l’ouest pour son silence au sujet de la crise post-électorale, l’évêque de Bafang prend la parole pour marquer son « indignation face à des propos déplacés et condescendants » et dénonce la mal gouvernance.

Dans une lettre ouverte, l’évêque de Bafang Abraham Kome recarde Awa Fonka Augustine, le gouverneur de la région de l’Ouest et déballe « ce qui habite son silence ». Nous vous proposons l’intégralité de son adresse 👇🏾

Monsieur le Gouverneur,

Lors de votre passage à Bafang dans le cadre de la crise post-électorale, il m’est revenu que vous m’avez félicité publiquement pour le silence que j’ai observé au moment où, avant les élections, certains évêques faisaient entendre leur voix au sujet de la situation socio-politique délétère de notre pays.

Par cette correspondance, elle aussi publique, je viens vous dire mon indignation face à ces propos déplacés et condescendants.
Monsieur le Gouverneur, nous n’avons pas les mêmes repères pour apprécier la gouvernance de notre pays. Vous êtes un fonctionnaire, structuré pour exécuter quasi machinalement les ordres venant de votre hiérarchie; moi je suis un Pasteur qui observe ladite gouvernance, pas seulement sous le prisme d’une réglementation sociale qui a très souvent la limite de ne pas obliger le pouvoir exécutif, avec toutes les dérives qui peuvent en découler, mais sous celui des principes objectifs et transversaux portés par le Droit naturel et/ou divin, qui, dans leur formulation, recherche une société toujours plus juste et plus épanouissante pour tous les hommes et femmes.

Ce que je vois à partir de ce point d’observation a été récemment encore décrit dans le numéro 9 de la correspondance de l’Archevêque de Douala en ces termes: «Cette situation qui est marquée par: la mal gouvernance, le chômage, l’émigration des jeunes, la sous scolarisation, le manque d’emplois, le délabrement des routes, le déficit énergétique, les injustices, les inégalités sociales, la corruption, l’exploitation des richesses du pays par une minorité de Camerounais, un luxe insolent de certains pendant qu’une majorité croupit dans la misère, l’insécurité grandissante, la vie chère, le tribalisme, l’inégale répartition des richesses du pays, l’usage du bien commun à des fins égoïstes…»

Nos inquiétudes face à ce tableau de plus en plus pâle, ont été plusieurs fois exprimées, soit par l’ensemble de la CENC ( Conférence Épiscopale des Évêques du Cameroun), soit par des voix individuelles, dont la mienne, parfois « du côté cour », parfois « du côté jardin», et ont toujours connu, quelquefois avec une grossière arrogance, une fin de non-recevoir de la part de ceux qui nous gouvernent.

Monsieur le Gouverneur, face à une telle situation, que l’on veut maintenant faire perdurer par tous les moyens, face à l’incapacité de mettre à la disposition du peuple des outils crédibles pouvant assurer un processus électoral sans morts ni destructions regrettables à son terme, féliciter mon silence est une manœuvre politicienne désobligeante que je ne peux accepter.

C’est le lieu de rappeler que lorsque le silence est recherche de solutions ailleurs que dans les paroles, lorsqu’il est comme le vide constructeur sans lequel deux notes de musique ne seraient qu’un bruit brut, désagréable et continu; lorsqu’il est prière, à la manière de Jésus qui, en Jean 17, arrête pour un temps de parler aux Hommes pour ne parler qu’à son Père, en faveur des Hommes ; un tel silence est un « combattre autrement » pour un mieux-être.

Monsieur le Gouverneur, voilà ce qui habite mon silence; il attend plus de la compassion qu’autre chose.

Publié à Bafang, le 5 novembre 2025
Abraham Kome, Évêque de Bafang.


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