Afrique| Conclave 2025 : Ce n’est toujours pas l’heure pour le pape noir

La succession de François a suscité, une fois de plus, l’espoir d’un pape africain. Mais malgré la montée en puissance du christianisme sur le continent, les cardinaux africains n’ont pas été retenus. La désignation de l’américain Robert Prevost, devenu Léon XIV, repousse encore ce rendez-vous avec l’Histoire.

L’attente d’un pape africain, espérée depuis des décennies, se prolonge, révélant les contradictions internes d’une Église de plus en plus mondialisée, mais encore peu décentrée.

L’illusion d’un tournant africain

À Rome, les premières heures du conclave avaient ravivé les espoirs africains. Dans les couloirs du Vatican, plusieurs noms circulaient avec insistance, portés par les dynamiques démographiques et spirituelles du continent. Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa, paraissait incarner un profil équilibré entre engagement social, fidélité doctrinale et rayonnement pastoral.

Déjà membre influent du Conseil des cardinaux et proche du pape François, sa stature internationale était saluée jusqu’au sein de la Curie. Autre nom évoqué avec sérieux : le cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, symbole de dialogue interreligieux et de résilience dans une Afrique centrale éprouvée par les conflits. À 57 ans, il représentait la jeunesse épiscopale, mais aussi la capacité du continent à porter une vision réconciliatrice et enracinée.

Enfin, le Nigérian Peter Ebere Okpaleke, cardinal depuis 2022, s’était imposé comme une voix pastorale puissante, marquée par son expérience dans des diocèses à forts enjeux sociopolitiques.Mais malgré ces profils solides, aucun n’a pu réunir un consensus suffisant au sein du collège cardinalice, majoritairement occidental.

Le paradoxe du poids africain dans l’Église

Avec environ 250 millions de fidèles, soit près d’un catholique sur cinq dans le monde, l’Afrique représente l’un des moteurs les plus dynamiques du catholicisme contemporain. Les séminaires y sont pleins, les ordinations nombreuses, et les églises en constante expansion. Dans plusieurs pays comme le Nigeria, RDC, Côte d’Ivoire, Ouganda — la pratique religieuse reste élevée, contrairement à la tendance observée en Europe.

Mais cette vitalité peine à se traduire au sommet. Le nombre de cardinaux électeurs africains reste marginal (environ 13 sur 120), et rares sont ceux qui occupent des postes-clés à la Curie. Cette sous-représentation alimente un sentiment d’injustice, voire d’exclusion, dans une Église qui prône pourtant l’universalité.

Rome choisit l’Amérique

L’élection du cardinal américain Robert Prevost a confirmé la tendance à un recentrage occidental. Préfet du dicastère pour les évêques et fin connaisseur des rouages romains, il offrait un profil de continuité avec François, mais aussi une ligne de gouvernance rassurante pour l’appareil vatican.

Son ancrage dans l’Église américaine — riche, structurée, dotée d’importants réseaux d’influence — a joué un rôle déterminant. Si son parcours missionnaire au Pérou pouvait faire croire à une figure « globale », il n’en demeure pas moins un homme du Nord, formé aux standards juridiques et managériaux américains.

Son élection, bien que légitime, pose une question : le catholicisme peut-il continuer à se projeter comme universel en écartant systématiquement le Sud global de ses plus hautes responsabilités ?

Une Église mondialisée, mais encore eurocentrée

L’histoire de l’Église témoigne de sa lenteur à embrasser pleinement la diversité du monde catholique. Il a fallu attendre 1978 pour qu’un pape non-italien, Jean-Paul II, venu de Pologne rompe une tradition multiséculaire. En 2013, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, devenu François, inaugurait l’ère d’un pontificat latino-américain.

Beaucoup espéraient que 2025 marquerait l’avènement d’un pape africain, en phase avec les réalités du XXIe siècle.Mais les équilibres géopolitiques internes à l’Église, les réseaux d’influence romains, et les calculs de stabilité ont eu raison de cette espérance. Pour nombre de fidèles africains, ce nouveau rendez-vous manqué laisse un goût amer.

Vers un horizon encore incertain

Si l’idée d’un pape africain reste vivace, elle semble à chaque fois se heurter à un plafond de verre. Les prochaines années diront si les figures épiscopales du continent parviennent à s’imposer durablement dans les instances centrales, à la Curie comme dans les synodes.

En attendant, l’Afrique continue de porter l’Église par le bas , par la foi, la ferveur, les vocations sans que cela se traduise par un véritable pouvoir au sommet.

Dans les rues de Kinshasa, Lagos, Douala ou Abidjan, les fidèles n’ont pas caché leur déception. Certains y voient une simple affaire de temps. D’autres, un manque de volonté politique. Mais une chose est sûre : l’Afrique catholique a parlé. Rome, elle, n’a pas encore entendu.

Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️

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