Afrique| David Melvin EBOUTOU : « Pendant que l’État français s’enrichit en passant par les multinationales, les États africains s’appauvrissent »

La Françafrique, ce terme qui évoque un réseau opaque d’intérêts politiques et économiques entre la France et ses anciennes colonies, continue de susciter la controverse.

Dans une interview accordée à Sputnik Afrique, David Melvin Eboutou, chercheur en histoire des relations internationales, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur les mécanismes de ce système qui, selon lui, maintient l’Afrique francophone dans un état de dépendance chronique.

« Pendant que l’État français s’enrichit, en passant par des multinationales, les États africains s’appauvrissent » constate-t-il dans cet entretien.

Une affirmation lourde de sens qui illustre un déséquilibre économique flagrant : alors que les richesses naturelles du continent sont exploitées par des entreprises françaises, les populations locales, elles, restent plongées dans la précarité.

Un schéma bien huilé

Le chercheur pointe du doigt le mode opératoire de ce qu’il qualifie de « méandres de la Françafrique », Selon lui, le système repose sur une alliance tacite entre les élites politiques africaines et l’État français.

« Les matières premières et les parts de marché des pays d’Afrique francophone doivent être attribuées en priorité aux entreprises françaises » dénonce-t-il.

En contrepartie, Paris garantit le maintien au pouvoir des dirigeants africains qui acceptent de jouer ce jeu. Une relation asymétrique où l’Afrique cède ses richesses tandis que la France renforce son influence.

Une dépendance savamment entretenue

Dans son analyse, David Melvin Eboutou met en lumière la manière dont cette emprise économique est entretenue. Il cite l’exemple de l’entreprise française Egis, impliquée dans plusieurs affaires de corruption en Afrique.

« Ce système unique profite à la France et à quelques acteurs locaux qui sécurisent leur pouvoir grâce au soutien de Paris », martèle-t-il.

Ainsi, la domination ne repose pas uniquement sur l’exploitation des ressources, mais aussi sur une forme de clientélisme politique qui perpétue l’inertie. Un engrenage où les gouvernements africains, en échange d’un appui diplomatique et sécuritaire, consentent à des concessions économiques souvent désavantageuses pour leur propre population.

Les populations, grandes perdantes

Si l’État français et ses multinationales tirent profit de cette relation, les populations africaines, elles, en subissent les conséquences :

« Les États africains s’appauvrissent, et les populations continuent de sombrer dans une misère des plus abjectes », regrette l’universitaire.

Une réalité qui alimente les frustrations et exacerbe un sentiment d’injustice. Car pendant que les élites politiques et économiques tirent les ficelles, les jeunes, les travailleurs et les agriculteurs africains peinent à voir les fruits du potentiel de leur continent.

Vers un réveil africain ?

Loin d’être un simple constat d’échec, cette critique appelle à une prise de conscience collective. Pour David Melvin Eboutou, rompre avec ce système demande une volonté politique forte des dirigeants africains et une réorientation stratégique des relations avec la France :

« L’Afrique ne pourra véritablement émerger que lorsqu’elle prendra son destin en main » , insiste-t-il.

Un appel qui résonne dans un contexte où de plus en plus de pays africains cherchent à diversifier leurs partenariats et à s’émanciper de l’ombre française. Mais le chemin reste semé d’embûches, tant les intérêts en jeu sont colossaux.

Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️

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