Afrique du Sud| De Marikana à Paris : la chute fatale de Nathi Mthethwa

Le 30 septembre 2025, la diplomatie sud-africaine a été frappée de stupeur : Nathi Mthethwa, 58 ans, ambassadeur d’Afrique du Sud en France, a été retrouvé mort au pied de l’hôtel Hyatt Regency Paris Étoile. Son corps gisait dans la cour intérieure de l’établissement, après une chute depuis sa chambre située au 22ᵉ étage. Les premiers éléments de l’enquête française évoquent un geste volontaire, à la suite d’un message d’adieux adressé à son épouse. La disparition de ce diplomate, figure politique de premier plan en Afrique du Sud, met un terme brutal à une carrière aussi dense que controversée.

De militant de l’ANC à homme d’État

Nkosinathi Emmanuel Mthethwa, dit « Nathi », est né le 23 janvier 1967 dans la province du KwaZulu-Natal. Très tôt engagé dans les rangs de l’ANC et des mouvements de jeunesse anti-apartheid, il a bâti sa réputation comme militant syndical avant d’entrer à l’Assemblée nationale en 2002. Son ascension est rapide : chef de file parlementaire, puis ministre de la Sécurité et de la Police en 2008, il devient l’un des hommes de confiance du président Jacob Zuma.

À ce poste, il doit gérer l’un des épisodes les plus sombres de la démocratie sud-africaine : la fusillade de Marikana en août 2012, au cours de laquelle 34 mineurs grévistes trouvent la mort sous les balles de la police. Mthethwa est accusé d’avoir couvert l’opération et d’avoir tardé à rendre des comptes. « Je n’ai jamais ordonné de tirer », se défendait-il à l’époque devant la commission d’enquête, mais cet épisode restera comme une tache indélébile dans son parcours.

Le passage à la culture et au sport

Après l’ère Zuma, Cyril Ramaphosa le maintient au gouvernement mais l’éloigne des affaires sécuritaires. Nathi Mthethwa devient ministre des Arts et de la Culture en 2014, puis ministre des Sports, Arts et Culture en 2019. Dans ce rôle, il défend la promotion de la création artistique et l’inclusion du sport comme outil d’unité nationale. On lui doit notamment le lancement de programmes de financement pour les jeunes créateurs et la modernisation de certains musées nationaux.

En décembre 2023, après son retrait du gouvernement, il est nommé ambassadeur d’Afrique du Sud en France. Installé à Paris, il multiplie les initiatives pour renforcer la coopération bilatérale, notamment dans les domaines culturels et économiques. « Je suis déterminé à renforcer les liens entre Pretoria et Paris », déclarait-il lors de sa prise de fonctions. Sa nomination est alors perçue comme une mise à l’écart honorable d’un homme politique longtemps au cœur des polémiques.

« Je suis désolé… » : Les dernières heures à Paris

C’est dans ce nouvel uniforme diplomatique que le drame survient. Le 29 septembre 2025 au soir, Mthethwa aurait envoyé un message alarmant à son épouse, dans lequel il présentait ses excuses et laissait entendre son intention de mettre fin à ses jours. Le lendemain matin, un agent de sécurité découvre son corps dans la cour de l’hôtel Hyatt, où il séjournait.

Le parquet de Paris confirme que la fenêtre de sa chambre avait été forcée pour neutraliser le système de sécurité. Aucun signe de lutte n’a été constaté. Une autopsie est en cours afin de déterminer les causes exactes du décès, tandis que les enquêteurs analysent les caméras de surveillance et les dispositifs techniques de l’hôtel.

À Pretoria, la nouvelle plonge le pays dans l’émotion. Le président Cyril Ramaphosa a salué la mémoire d’« un serviteur de l’État qui a consacré sa vie aux institutions et à la diplomatie ». Le ministère des Affaires étrangères a exprimé sa solidarité envers la famille, tout en soulignant que des dispositions seraient prises pour assurer la continuité de la mission diplomatique en France.

À Paris, le Quai d’Orsay a fait part de sa « profonde tristesse » et affirmé sa pleine coopération avec les autorités sud-africaines pour élucider les circonstances du drame. Plusieurs anciens collègues ont rendu hommage à un « homme de convictions », tandis que d’autres rappellent les zones d’ombre qui ont jalonné son passage au gouvernement.

Ambivalences

La mort de Nathi Mthethwa soulève un paradoxe. D’un côté, il reste l’image d’un dirigeant charismatique qui a accompagné la transition sud-africaine et défendu la place de la culture et du sport comme ciment social. De l’autre, il est rattrapé par les fantômes de Marikana et par les critiques de son style jugé autoritaire. Sa nomination à Paris devait symboliser une réhabilitation, mais c’est dans cette fonction diplomatique qu’il a connu une fin tragique.

En Afrique du Sud comme à l’étranger, le choc est grand. Car au-delà du diplomate, c’est une figure familière de la vie publique qui s’éteint dans des circonstances encore enveloppées de mystère.


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