Les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont proclamé vendredi 13 décembre leur décision irrévocable de se retirer de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), marquant ainsi un tournant géopolitique majeur pour la région. Cette rupture, qui s’inscrit dans le cadre de l’Alliance des États du Sahel (AES), survient après plusieurs mois de tentatives de médiation et pourrait avoir des répercussions profondes tant sur le plan économique que politique.
Le divorce avec la CEDEAO semblait inéluctable, malgré les efforts pour éviter un tel dénouement. L’annonce, confirmée après une réunion ministérielle tenue à Niamey, laisse peu de place à l’espoir d’une réconciliation. La déclaration conjointe des trois pays a souligné que cette décision de quitter l’organisation sous-régionale était désormais “sans retour”, ouvrant la voie à des discussions sur les modalités concrètes de cette sortie, qui devraient se finaliser d’ici janvier 2025.
Un retrait stratégique mais risqué
L’une des raisons principales invoquées par les gouvernements des trois pays est leur perception de la CEDEAO comme un instrument au service de l’influence de la France, un acteur qu’ils rejettent de plus en plus. Depuis plusieurs mois, les autorités de Bamako, Ouagadougou et Niamey ont clairement affiché leur distance vis-à-vis de Paris, tout en cherchant de nouveaux partenaires jugés plus “authentiques” et moins impliqués dans les affaires internes de la région, comme la Russie.
Cette rupture survient dans un contexte de violences jihadistes persistantes dans la région du Sahel, que ces pays jugent mal prises en charge par la CEDEAO. En effet, les pays de l’AES reprochent à l’organisation de ne pas avoir suffisamment soutenu leurs efforts face à la montée en puissance des groupes armés dans la région.
Une situation complexe pour la CEDEAO
Cette décision de séparation met en lumière l’échec des tentatives de médiation entreprises par la CEDEAO, qui, à travers la nomination du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, avait cherché à persuader les dirigeants des trois pays de revenir sur leur décision. Cependant, les espoirs de réconciliation semblent s’éloigner, d’autant plus que les autorités de l’AES, réunies vendredi à Niamey, ont affirmé leur volonté de poursuivre les réflexions concernant la mise en place des mécanismes de leur départ.
Le sommet prévu pour dimanche 15 décembre à Abuja, capitale du Nigeria, s’annonce décisif. Ce sera l’occasion pour les autres chefs d’État de la CEDEAO de tenter de trouver une solution à ce divorce qui pourrait bouleverser l’architecture politique et économique de la région ouest-africaine. En effet, une telle sortie entraînera des conséquences significatives en matière de libre circulation des personnes et des biens, des sujets déjà abordés lors des dernières discussions entre les ministres de l’AES.
Un avenir incertain pour 72 millions de personnes
Les trois pays concernés par ce retrait représentent un vaste territoire, abritant près de 72 millions d’habitants. Un tel éloignement de la CEDEAO soulève de nombreuses interrogations sur la gestion des relations commerciales et humaines entre les pays de la sous-région. La rupture pourrait également avoir des répercussions sur les projets de développement en cours, dont beaucoup sont financés ou soutenus par des partenaires internationaux œuvrant sous l’égide de la CEDEAO.
Le contexte : un enchaînement de coups d’État
La tension entre les trois pays de l’AES et la CEDEAO trouve ses racines dans une série de coups d’État qui ont frappé la région depuis 2020. Le dernier en date a eu lieu au Niger, en juillet 2023, marquant ainsi un sixième renversement de gouvernement en trois ans dans cette zone d’Afrique de l’Ouest.
La CEDEAO, dans une réponse énergique, avait alors imposé des sanctions économiques sévères et envisagé une intervention militaire. Bien que certaines de ces mesures aient été levées depuis, la fracture entre l’organisation et les pays du Sahel semble désormais consommée.
Il est donc plus que clair que la rupture de ces trois pays avec la CEDEAO constitue un changement radical dans les équilibres géopolitiques de l’Afrique de l’Ouest. Elle soulève de nombreuses questions sur l’avenir de la coopération régionale et les alliances qui se forgeront dans les mois à venir.
Tandis que la CEDEAO tente de maintenir son unité, l’AES, elle, poursuit sa route, seule, avec son idéologie . La question qui se pose désormais est de savoir si cet isolement volontaire des trois pays pourra véritablement se traduire en une stabilité durable, ou s’il aggravera encore plus les défis économiques et sécuritaires auxquels la région est confrontée.. Nous restons optimistes.
Constantin GONNANG, Afrik Inform ☑️