Depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a progressivement durci le ton contre la presse au Burkina Faso. Dans ses discours, ses décisions et ses actes, le chef de la junte militaire affiche une défiance grandissante à l’égard des médias, qu’il considère comme un obstacle à sa gouvernance.
Entre restrictions, intimidations et mise au pas de la presse, l’hostilité du régime envers les journalistes ne fait plus de doute.
Un discours offensif contre la presse
Dès les premiers mois de son pouvoir, Ibrahim Traoré a adopté un ton critique envers les médias, les accusant d’être des instruments de manipulation au service d’intérêts étrangers.
Dans plusieurs interventions publiques, il a dénoncé le rôle de certains journalistes qu’il qualifie de « relais de la subversion » ou d’« agents infiltrés cherchant à déstabiliser le pays ».
Dans un discours prononcé en janvier 2024, il déclarait : « Nous sommes en guerre et nous n’accepterons plus que des médias donnent de l’écho à ceux qui veulent voir le Burkina s’effondrer. Il y a des limites à la liberté d’expression, surtout quand la nation est en danger ».
Ces propos ont marqué un tournant, signifiant clairement que la presse devait désormais se conformer aux directives du pouvoir sous peine de représailles.
Une vague de sanctions et de suspensions
L’hostilité d’Ibrahim Traoré ne s’est pas limitée aux discours. Sous son régime, plusieurs médias locaux et internationaux ont été suspendus ou interdits de diffusion. En 2023, les chaînes RFI et France 24 ont été bloquées pour « propagande hostile ».
En 2024, Jeune Afrique a subi le même sort, suivi par L’Observateur Paalga, l’un des plus anciens quotidiens du pays.Le Conseil supérieur de la communication (CSC), désormais sous contrôle du pouvoir, a multiplié les avertissements et les suspensions contre des organes de presse accusés de publier des « informations nuisibles à la stabilité du pays »
Outre les fermetures de médias, plusieurs journalistes burkinabè ont été arrêtés ces derniers mois. Des reporters ayant couvert des sujets sensibles , notamment sur la gouvernance militaire ou les violations des droits humains, ont été convoqués par les services de renseignement.
Certains ont été détenus pendant plusieurs jours sans motif officiel, avant d’être relâchés sous pression des organisations de défense des journalistes.
Un climat de peur s’est installé dans les rédactions, l’autocensure devient la règle, de nombreux journalistes préférant éviter les sujets sensibles pour ne pas s’attirer les foudres du régime. Un reporter sous anonymat témoigne : « Aujourd’hui, parler de corruption, de détournements ou de problèmes internes au sein de l’armée, c’est s’exposer à des ennuis. Beaucoup ont déjà fui le pays».
Le pouvoir d’Ibrahim Traoré ne se contente pas de réprimer la presse existante, il cherche aussi à imposer un nouveau récit médiatique. Des médias d’État comme la RTB (Radio-Télévision du Burkina) ont vu leur ligne éditoriale s’aligner sur celle du gouvernement, diffusant des reportages à la gloire de la junte et minimisant les difficultés du pays.
Des campagnes de désinformation et de propagande prolifèrent également sur les réseaux sociaux, où des pages favorables au pouvoir attaquent systématiquement les journalistes critiques, les accusant d’être des « traîtres à la nation ».
Vers une presse sous tutelle ?
Avec la dissolution récente de l’Association des journalistes du Burkina (AJB) et le renforcement des lois contre la presse, le régime de Traoré semble vouloir instaurer un contrôle total de l’information. La presse indépendante est menacée de disparition, tandis que seuls les médias acquis à la cause du pouvoir peuvent continuer à fonctionner sans entraves.
Si Ibrahim Traoré se défend de vouloir « museler » les journalistes, les faits montrent qu’il considère la presse comme un adversaire à neutraliser plutôt qu’un pilier de la démocratie. Cette hostilité assumée laisse présager un avenir sombre pour la liberté d’informer au Burkina Faso.
Thomas. S pour Afrik inform ☑️