Cameroun | Jour décisif : entre stabilité et soif d’alternance, huit millions d’électeurs aux urnes

Ce dimanche 12 octobre, le Cameroun s’éveille au rythme d’un rendez-vous électoral crucial. Près de huit millions de citoyens sont appelés à voter pour choisir celui qui dirigera le pays au cours des sept prochaines années. De Maroua à Ebolowa, de Bamenda à Bertoua, les files d’attente se forment devant les quelque 31 000 bureaux de vote ouverts à 8h (heure locale) et qui fermeront à 18h.

Dans l’air, une question domine toutes les conversations : le pays va-t-il reconduire son président de toujours, ou amorcer enfin un tournant ?

Paul Biya, 92 ans, en quête d’un huitième mandat

À 92 ans, Paul Biya joue une nouvelle partition politique. Le chef de l’État, qui règne sur le Cameroun depuis 1982, sollicite un huitième mandat. S’il l’obtient, il atteindra symboliquement 99 ans à la fin du prochain septennat. Une longévité rare, même sur un continent habitué aux dirigeants enracinés.

Son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), a quadrillé le territoire, fort de son maillage administratif et de son expérience électorale. Malgré une campagne relativement discrète du président sortant – marqué par un unique meeting à Maroua dans l’Extrême-Nord – le parti au pouvoir a su maintenir une présence soutenue dans les médias et sur le terrain, misant sur le thème de la stabilité comme argument majeur.

Une opposition éclatée mais déterminée

Douze candidats étaient initialement en lice, mais seuls dix figurent finalement sur les bulletins. Parmi eux, plusieurs visages familiers de la scène politique.

Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et désormais chef du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), a surpris par la ferveur populaire de ses meetings. Bello Bouba Maïgari, président de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), joue lui aussi la carte de l’expérience, mais en rupture avec le système qu’il a longtemps accompagné.

Le jeune Cabral Libii, du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), continue d’incarner l’espoir d’une jeunesse impatiente de changement, tandis que Joshua Osih, héritier du défunt Ni John Fru Ndi, tente de raviver la flamme du SDF, grand perdant de 2018.

Seule femme en compétition, Patricia Hermine Tomaïno Ndam Njoya, maire de Foumban et présidente de l’UDC, incarne la voix des réformistes modérés.

Le scrutin se déroule toutefois sans Maurice Kamto, dont la candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel, une absence qui laisse un vide perceptible dans le camp de l’opposition.

Un pays à la croisée des chemins

La campagne a révélé deux Cameroun : l’un, attaché à la continuité, qui voit en Paul Biya un rempart contre le chaos ; l’autre, plus jeune, urbain et connecté, qui réclame un nouveau souffle.

Mais l’opposition, dispersée, n’a pas su se coaliser derrière une figure unique. Dans une élection à un seul tour, cette division pourrait une fois de plus avantager le président sortant.

Sur le terrain, l’engouement populaire est visible, notamment dans le Nord où les candidatures de Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari viennent bousculer le traditionnel équilibre Nord-Sud sur lequel le régime s’appuie depuis des décennies.

Des défis socio-économiques en toile de fond

L’élection se déroule dans un contexte tendu. Selon la Banque mondiale, plus de 10 millions de Camerounais vivent encore sous le seuil de pauvreté. Les jeunes diplômés peinent à trouver un emploi, tandis que l’inflation ronge le pouvoir d’achat.

À cela s’ajoutent deux fronts sécuritaires : les attaques sporadiques de Boko Haram dans l’Extrême-Nord et la crise anglophone qui entre dans sa neuvième année sans issue politique claire.

Dans les grandes villes, les électeurs oscillent entre lassitude et espoir. Beaucoup redoutent que la politique ne change rien à leur quotidien, mais d’autres voient dans ce vote une occasion d’envoyer un signal fort.

Élecam promet un scrutin apaisé et crédible

Face aux critiques récurrentes sur la transparence du processus électoral, l’organe en charge des élections, Élections Cameroon (Élecam), se veut rassurant.

« Nous sommes totalement prêts depuis plusieurs jours. Les urnes, les isoloirs, les bulletins et l’encre indélébile sont en place », affirme son directeur général, Erick Essousse, joint à Yaoundé.

Il promet une élection « apaisée, crédible et inclusive », malgré les inquiétudes exprimées par certains observateurs nationaux.

Reste à savoir si la participation suivra : lors de la présidentielle de 2018, près d’un Camerounais sur deux s’était abstenu. Cette fois encore, le taux de participation pourrait être le véritable arbitre de cette journée historique.

Dans les rues du Cameroun, la journée s’annonce calme mais tendue. Les regards se croisent, les murmures se répandent, chacun conscient qu’au bout de cette journée se jouera bien plus qu’un scrutin : l’avenir d’un pays en quête d’équilibre entre héritage et renouveau.


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