La récente déclaration sur les ondes de la CRTV de Pauline Egbe Nalova Lyonga, Ministre des Enseignements Secondaires (MINESEC), affirmant que les «frais» d’Association des Parents d’Élèves (APE) ou de Parents Teachers Associations (PTA) ne peuvent être supprimés, car les parents doivent financer l’éducation de leurs enfants, laisse perplexe dans l’opinion. Est-ce là l’idée que le Gouvernement se fait de la promesse du Président Paul Biya d’améliorer l’accès à l’éducation en général, et de favoriser la gratuité de l’enseignement primaire en particulier ? Les parents, qui investissent déjà dans l’achat des fournitures scolaires, des vêtements, des goûters et s’acquittent des frais de transport, ne participent-ils pas déjà suffisamment au financement de l’éducation de leurs enfants ?
En réalité, instituées pour favoriser le dialogue et la concertation entre parents d’élèves et autorités scolaires au sujet de la formation des élèves, les APE (ou PTA) ont été dévoyées de leur objectif initial à la fois dans leurs missions et leurs modalités de fonctionnement.
S’agissant de leurs modalités de fonctionnement, au sens du décret n° 2001/041 du 19 février 2001 portant organisation des établissements scolaires publics et attributions des responsables de l’administration scolaire, les APE (ou PTA) étaient censées fonctionner sur la base de «contributions volontaires» des parents d’élèves. On entend par «contribution» un apport qui peut être fait en nature, en industrie ou en numéraire. Et l’adjectif qualificatif «volontaire» signifie que le parent est libre de contribuer ou non. Comment est-on passé du vocable «contributions volontaires» à celui plus restrictif de «frais» qui traduit une contribution numéraire ? Comment est-on passé du volontariat à des frais obligatoires, dont le montant varie d’un établissement à un autre sans justification apparente ? Au point que des élèves se fassent renvoyer de leurs établissements pour non-paiement des «frais» d’APE. C’est ce dévoiement des modalités de fonctionnement des APE (ou PTA) par le MINESEC qui embarrasse les parents d’élèves et sème la confusion dans la communauté éducative.
En ce qui concerne les missions des APE (ou PTA), elles n’ont pas été détaillées dans le décret n° 2001/041 du 19 février 2001 portant organisation des établissements scolaires publics et attributions des responsables de l’administration scolaire. L’article 54 de ce décret renvoie à un arrêté à prendre par le MINESEC, la clarification desdites missions. A ce jour, cet arrêté n’a toujours pas été signé par le MINESEC, masquant une volonté sournoise de maintenir le flou autour de ces APE/PTA. Ainsi, ces «frais» d’APE sont affectés à des missions qui relèvent pourtant des compétences de l’État et des Collectivités territoriales décentralisées (CTD). Dans certains établissements, ils servent à la construction d’infrastructures, dans d’autres à l’achat du matériel didactique ou encore à la rémunération des enseignants vacataires. Alors que ces missions relèvent des Régions, pour ce qui est des lycées, et des communes, s’agissant des écoles primaires et maternelles. Ces CTD attendent toujours le transfert des compétences et des ressources de l’État prévu par le Code général de la décentralisation de 2019. On en vient à se demander comment un cadre de dialogue et de concertation entre parents d’élèves et autorités scolaires au sujet de la formation des élèves, en vient à se muer en entité de passation des marchés et de construction des infrastructures ? En outre, la plupart des bureaux exécutifs des APE sont sous la coupe des chefs d’établissements, qui gèrent ces contributions à leur guise et sans aucun contrôle extérieur.
Il est plus que temps que le Ministre des enseignements secondaires (MINESEC) et le Ministre de l’Education de Base (MINEDUB) prennent leurs responsabilités. Une réflexion doit être impérativement menée à l’effet de clarifier les missions de ces APE (ou PTA) et structurer leur fonctionnement, afin d’éviter les dérives et de garantir que les contributions collectées soient utilisées à bon escient. Le projet d’arrêté subséquent devrait être soumis au Premier Ministre pour approbation, afin que ces contributions redeviennent ce qu’elles sont censées être : des contributions volontaires et non des frais imposés. Dans l’intervalle, le Premier Ministre devrait instruire la suspension de la perception de ces contributions pendant la durée de cette réflexion.
Sans cette réforme, les «frais» d’APE/PTA demeureront une vaste escroquerie organisée, une entorse à la promesse présidentielle d’améliorer l’accès à l’éducation en général, et de rendre l’enseignement primaire gratuit en particulier, ainsi qu’un fardeau supplémentaire pour des parents déjà fragilisés par la vie chère et un contexte économique morose.
Nakata Tomwooh pour Afrik-Inform