Elle ne parle pas beaucoup, mais elle agit avec efficacité. Dans la mécanique souvent grippée de l’administration camerounaise, le Professeur Nalova Lyonga s’impose comme la carte la plus sûre du président Paul Biya pour stabiliser et réformer durablement le secteur des enseignements secondaires.
À la veille des examens officiels de la session 2025, la ministre est, une fois encore, sur le terrain, incarnant l’effort discret mais puissant d’une gouvernance d’impact.
Les examens 2025 sous le regard implacable du MINESEC
Le lundi 28 avril 2025, les examens officiels de la session en cours ont été officiellement lancés au Cameroun avec les épreuves pratiques d’EPS. Pour cet événement, la ministre s’est rendue personnellement à Abong-Mbang, dans la région de l’Est. Plus qu’un geste symbolique, cette descente opérationnelle a permis d’évaluer l’adéquation des sites d’examen avec les normes de sécurité et de logistique. Nalova Lyonga incarne cette idée que la réussite d’une politique publique commence par le terrain.
La ministre a ensuite supervisé le concours d’entrée en 6e et en 1re année de l’enseignement technique et agricole dans plusieurs centres du Centre, notamment au Lycée Bilingue de Nkozoa, Lycée de Tsinga Village, Lycée Technique de Yaoundé 2 ou encore au CES de Mendong.
Objectif : s’assurer de la présence du dispositif sécuritaire, du respect des conditions de police des examens et de la disponibilité des frais de surveillance et de correction. Les grandes échéances sont attendues :Baccalauréat : du 26 au 31 mai 2025 (sauf le 29)Probatoire : du 9 au 13 juin 2025. Plus de 250.000 candidats sont mobilisés pour cette session.
Une main ferme sur les délibérations : les nouvelles règles du jeu
Depuis son arrivée à la tête du MINESEC, Nalova Lyonga s’est engagée dans une bataille silencieuse mais ferme : celle de la restauration du mérite dans le système éducatif camerounais. Loin des discours d’apparat, elle a préféré l’action, en entérinant, aux côtés de l’OBC et de la DECC, une série de mesures qui tracent une ligne claire entre l’à-peu-près et l’exigence.
À partir de la session 2025, les règles du jeu ne laissent plus place à l’approximation. Pour obtenir le Baccalauréat ou le Probatoire, il ne suffit plus de cumuler des points : la moyenne de 10 sur 20 est désormais impérative, sans possibilité de repêchage. Mais au-delà de cette exigence globale, certains piliers disciplinaires deviennent non négociables : l’anglais, pour les scientifiques ; les mathématiques, pour les littéraires.
Le BEPC, lui aussi, n’échappe pas à cette rigueur retrouvée. Les candidats devront impérativement valider des matières jugées fondamentales : mathématiques, PCT ou SVT, anglais, français, informatique et histoire. Pas de raccourci, pas de contournement.Même pour le passage en classe supérieure, le seuil est désormais verrouillé : 10/20 ou rien. Aucune dérogation ne viendra atténuer cette nouvelle doctrine.
Dans les turbulences du front enseignant
Lorsqu’elle prend les commandes du Ministère des Enseignements Secondaires en mars 2018, Nalova Lyonga hérite d’un climat social inflammable. Le front enseignant, divisé entre les revendications des personnels en instance d’intégration, les retards de primes, et les frustrations liées aux affectations arbitraires, bruisse de colère contenue. À cela s’ajoutent les mouvements de grève silencieuse, parfois coordonnés, parfois spontanés, qui fragilisent les équilibres déjà précaires du secteur.
Face à ce tumulte, la ministre n’a jamais brandi le spectre de la répression. Sa réponse est d’abord administrative : auditer, structurer, identifier les goulots d’étranglement, puis déployer les correctifs dans un silence de coulisses. C’est ainsi que plusieurs arriérés de primes de vacation, de correction et de surveillance ont été progressivement apurés, à la faveur d’une coordination plus fluide avec le Ministère des Finances.
Mais le symbole le plus fort de sa gestion de la crise reste sa posture durant les vagues successives du mouvement « On a trop supporté », mené par des enseignants contractuels exigeant leur intégration et leur reclassement. Loin des sorties tonitruantes, elle privilégie les concertations internes, multipliant les séances techniques avec ses collaborateurs pour épurer les listes, vérifier les dossiers, et accélérer les mécanismes d’intégration.
Son objectif : éviter l’écueil d’un traitement global qui noierait les cas fondés dans l’océan des usurpations.Par cette approche méthodique, Nalova Lyonga tente de réconcilier l’État avec ses enseignants, sans céder à la pression médiatique ni au populisme. Dans son ministère, la gestion des ressources humaines devient un champ de bataille invisible, où chaque dossier traité est un pas vers une paix durable.
La crise est loin d’être définitivement éteinte, mais elle est désormais encadrée, contenue, traitée avec une rigueur chirurgicale qui contraste avec les élans émotionnels qui agitent parfois la sphère publique.
D’amphithéâtres aux arcanes ministérielles : l’ascension d’une bâtisseuse
Originaire du Sud-Ouest du Cameroun, le Professeur Pauline Nalova Lyonga incarne l’archétype de la femme de science devenue femme d’État. Son parcours académique, profondément enraciné dans les humanités, l’a conduite jusqu’aux États-Unis, où elle obtient un doctorat en littérature africaine à l’Université du Michigan.
Brillante intellectuelle, elle entame sa carrière dans l’enseignement supérieur comme enseignante à l’Université de Buea, l’une des plus importantes institutions anglophones du pays.Dans cet établissement, elle gravit progressivement les échelons : d’abord enseignante-chercheure, elle devient Vice-recteur, puis Vice-Chancellor (équivalent de Recteur) de l’Université de Buea en 2012.
Elle y imprime sa marque pendant plusieurs années, consolidant la réputation de l’université tout en affrontant les défis d’un contexte anglophone souvent agité par des revendications sociales et corporatistes. À la tête de cette institution, elle s’illustre par son intégrité, sa rigueur managériale et sa capacité à concilier exigence académique et apaisement institutionnel.
Elle œuvre à la rénovation des infrastructures, au renforcement de la gouvernance universitaire et à l’ouverture internationale de l’université.Parallèlement à sa trajectoire académique, Nalova Lyonga joue un rôle politique actif dans son fief du Sud-Ouest, en tant que militante du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), où elle s’implique régulièrement dans les activités du parti, notamment lors des campagnes électorales et des concertations de base.
Elle y est perçue comme une personnalité d’équilibre, capable de faire le lien entre les institutions et les aspirations populaires de cette région souvent sensible. Son entrée au gouvernement, en mars 2018, en tant que Ministre des Enseignements Secondaires, marque un tournant dans sa carrière et témoigne de la confiance du président Paul Biya, qui voit en elle une figure capable de porter une réforme profonde du système éducatif secondaire.
Depuis son arrivée à la tête du MINESEC, elle a initié une série de réformes majeures. Parmi les actions phares de son magistère : l’introduction progressive des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans les programmes d’enseignement, la réorganisation de l’enseignement technique autour de filières plus professionnalisantes, la lutte contre la fraude aux examens et les faux diplômes, mais aussi la numérisation des actes administratifs liés à la gestion des établissements secondaires et des concours.
Elle a également renforcé les mécanismes de sécurisation des examens officiels, amélioré le traitement administratif des enseignants à travers une meilleure traçabilité des primes de correction et de surveillance, et durci les critères de passage en classe supérieure afin de réinstaurer la culture du mérite.
Dans cette dynamique, elle a mis fin au système de repêchage, exigé la validation de certaines matières clés comme l’anglais et les mathématiques, et entériné, avec l’OBC et la DECC, de nouvelles normes de réussite basées sur des seuils de performance objectifs. Par son style à la fois sobre et déterminé, Nalova Lyonga s’est imposée comme une figure respectée du gouvernement, capable de conjuguer vision stratégique, exigence pédagogique et pragmatisme politique.
Femme de dossiers, peu encline à la lumière, elle n’en demeure pas moins une carte maîtresse du gouvernement dans l’ambition de redonner au secondaire camerounais sa force structurante.
Militante du RDPC et femme de terrain
Au sein du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), Nalova Lyonga est une figure régulièrement sollicitée. Dans son fief politique du Sud-Ouest, elle incarne une voie rassurante pour la jeunesse et un pont entre les aspirations populaires et les grandes orientations du parti.
Elle y multiplie les actions de sensibilisation à l’éducation, la formation des jeunes filles, l’accès à l’école pour les populations rurales.Sa discrétion dans les débats politiciens tranche avec son activisme silencieux sur le terrain.
Un cap maintenu malgré les vents contraires
Le Cameroun n’est pas épargné par les crises. Conflit dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest, difficultés logistiques, pressions syndicales. Mais chaque année, Nalova Lyonga parvient à assurer le bon déroulement des examens sur l’ensemble du territoire national.
Cela tient d’une stratégie patiemment construite, d’une autorité naturelle, et d’un engagement sans faille pour l’école républicaine. À l’abri des micros et des éclats de voix, Nalova Lyonga poursuit sa route, posant les jalons d’un système plus exigeant, plus juste, parfois impopulaire, mais assumé.
Dans les couloirs feutrés de l’administration comme sur le terrain des réformes, son empreinte se devine moins dans les discours que dans les mécanismes qu’elle redresse, les règles qu’elle impose, les silences qu’elle habite avec fermeté.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️
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