À quelques heures de la proclamation officielle des résultats de la présidentielle du 12 octobre, le Cameroun a connu ce dimanche 26 octobre 2025 des manifestations dans plusieurs villes, à l’appel du candidat Issa Tchiroma Bakary, qui revendique la victoire depuis quelques semaines.
« Peuple du Cameroun, ne cédez pas à l’intimidation. Leur but est de nous arrêter parce qu’ils savent qu’une manifestation massive les prive de légitimité », a écrit le leader du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) sur sa page Facebook, samedi soir. Il a exhorté ses partisans de Garoua, du reste du pays et de la diaspora à descendre dans la rue pour « libérer le Cameroun ».
Les rassemblements ont débuté tôt ce dimanche matin, malgré l’interdiction émise par les autorités locales. Dans plusieurs villes, les forces de sécurité ont été déployées sur les grands axes pour tenter de contenir la mobilisation.
Garoua, épicentre de la contestation
Dans le Nord, le fief d’Issa Tchiroma Bakary, la ville de Garoua a été le principal théâtre des mobilisations. Des centaines de manifestants ont marché en direction du gouvernorat pour réclamer le respect du vote et la transparence du processus électoral. Sur leur passage, des drapeaux du Cameroun flottaient, accompagnés de slogans tels que « Le pouvoir doit revenir au peuple » ou « Nous exigeons la vérité sur le scrutin ».
Les forces de l’ordre ont riposté par des tirs de gaz lacrymogènes pour disperser la foule après plusieurs heures de défilé. Des affrontements ont éclaté près du marché central, provoquant des scènes de panique. Des pneus et des troncs d’arbres ont été incendiés sur plusieurs axes de la ville.
Plus tôt dans la semaine, une manifestation de ce genre avait également causée le décès d’une enseignante lors d’un rassemblement. Si certaines versions évoquent une bavure policière, le père de l’enseignante et le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, ont démenti ces informations, parlant plutôt d’un homicide commis par un civil. Une enquête est en cours.
Dans une atmosphère tendue, des pancartes et banderoles appelaient à la solidarité internationale. L’une d’elles exhortait notamment le président américain Donald Trump « à aider le Cameroun », sans plus de précisions.
Douala et Yaoundé sous surveillance
À Douala, la contestation a pris une tournure plus violente. La zone de New-Bell est brièvement passée sous le contrôle de manifestants qui ont dressé des barricades entre l’aéroport et Terminus. Plusieurs véhicules ont été incendiés entre Terminus et Saint-Michel. Selon des témoins, certains automobilistes étaient sommés de se déclarer partisans de Tchiroma Bakary pour traverser sans encombre.
Des manifestants partis du quartier Dakar ont également pris la direction du centre-ville, à Akwa, scandant le nom du candidat de l’opposition. Dans le quartier de Nkoulouloun, un cas de décès a été signalé dans la matinée, sans confirmation officielle sur les circonstances exactes.
Les forces de maintien de l’ordre ont été déployées dans toute la ville pour tenter de disperser les rassemblements. À Yaoundé en revanche, la situation est restée relativement calme. Malgré quelques appels à manifester, aucun grand attroupement n’a été observé, les principaux carrefours étant étroitement surveillés.
La mise en garde du ministre de l’Administration territoriale
Samedi, à la veille des manifestations, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a tenu un point de presse à Yaoundé. Il a alerté sur « des menaces insurrectionnelles » et mis en garde contre toute tentative de déstabilisation du pays.
Le membre du gouvernement a révélé l’arrestation de trois individus à Garoua, dans la nuit du 22 octobre, en possession d’explosifs. Ces derniers auraient prévu d’infiltrer des manifestations pour provoquer des attentats et en imputer la responsabilité aux forces de l’ordre. À Yaoundé, un autre individu a été interpellé avec une arme à feu, des munitions et une somme d’argent importante.
Le ministre est également revenu sur les arrestations des leaders politiques Anicet Ekane, président du Manidem, et Djeukam Tchameni, président du Mouvement pour la démocratie et l’interdépendance au Cameroun (MDI), survenues vendredi à Douala. Ces interpellations, selon lui, visent à prévenir la mise en œuvre d’un « projet insurrectionnel » fondé sur la publication de faux résultats et l’autoproclamation de vainqueurs fictifs.
Paul Atanga Nji a par ailleurs interpellé la diaspora camerounaise et les médias sur leur rôle pendant cette période sensible : « La presse doit contribuer à la stabilité du pays et non devenir un relais de messages subversifs », a-t-il déclaré, rappelant que le droit de manifester reste strictement encadré par la loi. Toute mobilisation sans autorisation préalable sera, selon lui, considérée comme illégale.
La vidéo de Tchiroma et la peur d’un enlèvement
Quelques heures avant les manifestations, Issa Tchiroma Bakary a publié une vidéo sur sa page Facebook dans laquelle il affirme avoir été la cible d’une tentative d’enlèvement à son domicile. « Cette conspiration dont l’objectif est de m’enlever de mon domicile et de m’emmener à une destination inconnue n’a pas prospéré », a-t-il déclaré, ajoutant que son salut tiendrait à « une intervention divine ».
Le candidat du FSNC affirme que des individus armés ont été repérés autour de sa résidence tôt dans la matinée. Ces allégations n’ont pas encore été confirmées par des sources indépendantes. Contacté par nos confrères de la BBC, le cabinet du ministre de l’Administration territoriale a refusé de commenter, renvoyant à la déclaration de samedi.
Issa Tchiroma a invité ses militants à rester vigilants et à défendre « la victoire du peuple » jusqu’à la proclamation officielle. Dans une précédente déclaration, Paul Atanga Nji avait rappelé que « la qualité de candidat à l’élection présidentielle ne confère aucune immunité à quiconque ».
En attendant la décision du Conseil constitutionnel
À la veille de la proclamation des résultats, des mesures ont été prises par les Sous-préfets et préfets notamment dans les grandes métropoles comme Douala et Garoua. Les forces de sécurité sont déployées sur les principaux axes, tandis que les communications autour des sièges des partis politiques sont sous haute surveillance.
Le Conseil constitutionnel doit annoncer lundi 27 octobre les résultats officiels et définitifs de l’élection présidentielle du 12 octobre. Le pays reste suspendu à cette décision, dans un climat de tension et d’incertitude.
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