Cameroun| Présidentielle 2025 : La société civile camerounaise dresse un mauvais bilan : irrégularités et violences au banc des accusés 

Dans une déclaration préliminaire rendue publique le 13 octobre dernier, la Mission d’Observation Électorale (MOE) de la société civile camerounaise tire un bilan contrasté du scrutin présidentiel du 12 octobre. Signée par Cyrille Rolande Bechon (Nouveaux Droits de l’Homme, Yaoundé), Maximillenne Ngo Mbe (REDHAC, Douala), Jean Claude Fogo (Mandela Center International, Yaoundé), Achu Julius Lene (CHRAPA, Nkambe), Elisabeth Celas (CPAEDH, Mbalmayo), Dr Hilaire Kanga (Plateforme de la Société Civile pour la Démocratie, Yaoundé), Amado Xtarnteh Nganepanweh (Conscience Africaine, Douala), Dr Togue Eglitto (Positive Generation, Yaoundé) et Mafaya Souleymaue (Action de solidarité pour le développement et la démocratie, Maroua), le document expose une série d’irrégularités majeures tout en reconnaissant certains points positifs, notamment la mobilisation des électeurs et la logistique généralement assurée par Elecam.

Le Cameroun a organisé le 12 octobre une élection présidentielle déterminante, scrutée avec attention par la population, la société civile et la communauté internationale. La Mission d’Observation Électorale (MOE), déployée sur l’ensemble des dix régions du pays, a suivi chaque étape du processus, depuis l’ouverture des bureaux jusqu’au dépouillement. Les observateurs étaient accrédités par le ministère de l’Administration territoriale (MINAT), mais des citoyens volontaires ont également exercé une surveillance sur des bureaux isolés, afin de garantir le droit de veille civique.

Dès les premières heures, la MOE a relevé plusieurs difficultés, sources de confusion et de frustration pour les électeurs. Parmi les points les plus saillants, la publication tardive des listes électorales nationales et des bureaux de vote a été un problème majeur. « Beaucoup d’électeurs ont eu de la peine à retrouver leurs noms sur les listes », note le communiqué, une situation qui, selon la MOE, a pu affecter le taux de participation. Les observateurs ont également constaté la présence de personnes décédées sur certaines listes, des retards dans le démarrage des opérations dans plusieurs bureaux et des problèmes liés au matériel électoral.

Un scrutin marqué par des irrégularités et des tensions

D’après le communiqué de la Mission d’Observation Électorale (MOE), plusieurs bureaux de vote ont révélé des comportements problématiques qui ont mis en péril la régularité du scrutin. La présence massive de représentants de partis politiques a conduit à l’exclusion, voire à l’intimidation, de certains scrutateurs, incapables d’exercer pleinement leur rôle de contrôle.

Le communiqué signale également que dans plusieurs centres, des bulletins de vote étaient endommagés ou manipulés, créant une confusion palpable chez les électeurs. Les registres de vote, dans certains cas, n’étaient pas signés par les citoyens après leur passage, tandis que sur les procès-verbaux, seules les premières et dernières pages portaient la signature des scrutateurs ou représentants des candidats, laissant en suspens le contrôle effectif des résultats consignés à l’intérieur.

Dans plusieurs zones, des cartes de vote ont circulé entre des électeurs, certains votant à plusieurs reprises. Ces pratiques, ajoute la mission, risquent de compromettre la crédibilité du scrutin.

Des scènes de violence ont éclaté dans certains bureaux, notamment à Garoua, où des sympathisants d’Issa Tchiroma Bakary et des forces de l’ordre se sont affrontés, causant des blessés dans les deux camps et des dégâts matériels, dont l’incendie d’une voiture de la gendarmerie. À Kumba, Mutenguene, Bamenda et Campeje-West Farm Buca, les observateurs disent avoir été empêchés de suivre le déroulement du vote et du dépouillement. Même les Camerounais souhaitant surveiller les votes à l’ambassade du Gabon ont été interpellés et se trouvent actuellement entre les mains des forces de sécurité, révèle la note dont nous avons eu copie.

Des points positifs malgré tout

Malgré ces constats préoccupants, la MOE relève plusieurs points encourageants : la bonne préparation générale du scrutin par Elecam, la disponibilité du matériel électoral, l’accueil des électeurs, y compris les personnes âgées et handicapées, le respect des horaires et des procédures, ainsi que la mobilisation des journalistes pour assurer une couverture en temps réel. Dans le NOSO, malgré les craintes liées aux groupes séparatistes, les populations ont pu voter et participer au dépouillement avec discipline. La société civile a également joué un rôle actif dans l’éducation électorale et le déploiement des observateurs sur le terrain.

Appels à la responsabilité et à la transparence

Face à cette situation, la MOE appelle les autorités à agir avec la plus grande responsabilité. « Nous exhortons les autorités compétentes dans la compilation des résultats à respecter le choix du peuple souverain », insiste le communiqué.

La mission condamne fermement toute tentative d’intimidation et de pression sur le candidat Issa Tchiroma Bakary et ses sympathisants, rappelant que les mouvements des forces de sécurité autour de son domicile et les violences qui en ont résulté sont « inadmissibles ».

La société civile demande également aux responsables de la commission nationale de recensement des votes et aux membres des commissions départementales de supervision de poursuivre les opérations avec « le plus haut degré de responsabilité et une indépendance absolue », afin de traduire fidèlement l’expression des urnes dans le respect de l’intérêt supérieur de la République.

Vers un rapport détaillé et des recommandations

Ce document préliminaire annonce l’élaboration prochaine d’un rapport complet, qui consignera les faits observés et proposera des recommandations pour renforcer la transparence et la crédibilité des élections au Cameroun. La société civile entend ainsi assumer son rôle de veille et de contrôle, essentiel dans un contexte post-électoral tendu, pour prévenir les crises et rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions.

Dans son communiqué, la MOE conclut en rappelant l’importance de chaque vote et de la responsabilité des acteurs : « Les électeurs qui se sont rendus aux urnes ont fait leur choix », malgré une participation estimée entre 38 et 45 %. La mission souligne que le respect de ce choix est primordial pour la stabilité du pays et pour le renforcement de sa démocratie.


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