L’un est chef de l’État depuis 42 ans, président national statutaire du RDPC et soutenu par toutes les structures du parti. L’autre, jeune conseiller municipal de Monatélé, conteste l’ordre établi et déclare sa candidature à la présidentielle, invoquant l’illégitimité interne du président sortant. À quelques mois de l’élection, l’hypothèse d’un face-à-face entre Paul Biya et Léon Théiller Onana secoue les fondements du parti au pouvoir.
L’ombre d’un duel au sein du « parti état »
Rarement dans l’histoire du RDPC, un militant n’aura frontalement contesté la légitimité du président Paul Biya au sein même du parti, jusqu’à se déclarer candidat contre lui. À 93 ans, ce dernier a, selon ses fidèles, accepté de » continuer à servir le peuple » pour briguer un huitième mandat présidentiel.
Son investiture, bien que non encore formellement actée par un congrès car il n’en a pas besoin, repose sur une lecture largement répandue des textes internes du parti qui stipulent que « le président national est le candidat naturel du RDPC à toute élection présidentielle ».
Mais en face, un vent d’insubordination souffle. Léon Théiller Onana, conseiller municipal de Monatélé et militant revendiqué du RDPC, a surpris en annonçant sa candidature au scrutin présidentiel d’octobre 2025 sous les couleurs… du même parti. Sa justification : l’absence de congrès depuis 2011 rend caduque toute reconduction automatique du président sortant.
“Aucun texte ne permet à un homme, fût-il président de la République, d’être candidat sans désignation formelle par les instances statutaires”, déclare-t-il, droit dans ses bottes.
Une contestation juridique et symbolique
Au cœur de la controverse : l’inertie du RDPC. En quatorze ans, aucune grande instance n’a été convoquée pour renouveler les organes de base ou désigner un candidat à la magistrature suprême. Pour Léon Théiller Onana, cette léthargie constitue une rupture avec la démocratie interne du parti.
Il en appelle à un réveil de la base militante, dénonçant un “verrouillage des consciences” et une “captation autoritaire du processus électoral”. Son audace ne passe pas inaperçue. Les voix officielles du RDPC l’ont immédiatement qualifié de “frondeur”, de “provocateur” voire de “traître”.Mais dans l’opinion, l’homme gagne peut-être en visibilité.
Il devient, pour certains jeunes militants, le symbole d’un besoin de renouveau, d’un parti figé autour d’une figure unique depuis quatre décennies.
Paul Biya, l’indéboulonnable
Pour autant, imaginer un duel électoral réel entre Paul Biya et Léon Théiller Onana relève presque de l’utopie. L’appareil du parti reste étanche. Le président de la République conserve un contrôle total sur les structures décisionnelles, les comités centraux, les coordinations régionales et même les listes électorales internes.
Toute velléité de rivalité est rapidement neutralisée, et le Conseil électoral n’a jamais reconnu de dissidence sérieuse au sein du RDPC. Mais le malaise est bien là. Léon Théiller Onana n’est peut-être pas une menace électorale, mais il est un signal. Il incarne ce que le parti a longtemps évité : la contradiction venue de l’intérieur.
Ce duel symbolique entre le « vieux lion » et le jeune contestataire illustre un tournant générationnel et institutionnel. Un choc entre deux lectures du RDPC : l’une figée dans la sacralité du chef, l’autre ouverte sur une refondation démocratique.
Une impasse politique… révélatrice
Il n’y aura probablement pas de duel à bulletins entre Paul Biya et Léon Théiller Onana sous la même bannière. Le RDPC est bâti pour n’avoir qu’un seul candidat. Pourtant, la scène politique camerounaise s’en retrouve ébranlée. Car à travers ce face-à-face improbable, c’est la question de la légitimité interne, du droit à la parole, de la réinvention du parti majoritaire qui est posée.
Et si le duel ne se joue pas dans les urnes, il se joue déjà dans les esprits. La fracture entre fidélité aveugle et critique interne, entre pouvoir établi et contestation montante, devient un enjeu central de la présidentielle à venir. En cela, Léon Théiller Onana a déjà forcé l’histoire.
Afrik inform ☑️
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