Le 16 décembre 2024, les chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) se sont réunis à Yaoundé, au Cameroun, pour un sommet extraordinaire. À l’ordre du jour : une évaluation de la situation économique, monétaire et financière de la sous-région, frappée par des défis majeurs. Alors que la croissance a chuté de 3,3 % en 2022 à 2,3 % en 2023, les dirigeants ont exprimé une inquiétude croissante et ont convenu de l’urgence d’adopter des réformes structurelles pour éviter une crise économique et financière à grande échelle.
Dès l’ouverture des travaux, le président camerounais Paul Biya a lancé un appel solennel aux dirigeants présents, soulignant que la situation était devenue critique pour la sous-région. « Si rien n’est fait, nous pourrions faire face à des conséquences désastreuses, tant pour nos pays que pour notre sous-région » , a-t-il déclaré. Il a ajouté que cette rencontre était un moment crucial pour prendre des mesures concrètes permettant de remettre l’économie sur la bonne voie.
Le président Faustin Archange Touadéra, président en exercice de la conférence des chefs d’État de la Cemac, a quant à lui dressé un tableau alarmant de l’état économique actuel. Il a évoqué « la persistance des tensions inflationnistes, la faible consolidation de la croissance économique, la fragilité des finances publiques et la dépréciation des réserves de change », soulignant que ces facteurs risquaient de mettre en péril la stabilité de la région.
L’assistance de partenaires internationaux, dont le FMI, a été sollicitée pour accompagner la mise en œuvre des réformes. Abebe Selassie, directeur du département Afrique du FMI, a fait part de son soutien à l’initiative des pays de la Cemac. « Nous sommes encouragés par l’initiative prise par ces pays de se rencontrer, et nous nous tenons prêts à leur apporter un soutien pour la mise en œuvre des mesures décidées », a-t-il indiqué. Il a précisé que le FMI suivrait de près la mise en œuvre des décisions prises et offrirait son expertise technique et financière pour aider à surmonter la crise.
Les dirigeants ont mis l’accent sur la nécessité de renforcer la solidarité entre les pays de la région et ont souligné que des réformes urgentes et concertées étaient indispensables. Ils ont évoqué plusieurs axes prioritaires pour remettre l’économie sur les rails : la diversification économique, la consolidation des finances publiques, la stabilisation du secteur bancaire et la préservation des réserves de change. Le sommet a conclu qu’il était impératif de prendre des mesures immédiates pour inverser la tendance actuelle.
L’un des enjeux majeurs soulevés au cours de cette réunion a été la fragilité du secteur bancaire de la Cemac. La situation des créances en souffrance dans les banques de la région est de plus en plus préoccupante. Au Cameroun, par exemple, les créances en souffrance ont augmenté de 11 % à la fin du premier semestre 2024, ce qui reflète une instabilité croissante dans le système financier.
Par ailleurs, la gestion de la dette publique, notamment celle du Congo, représente un autre risque majeur pour la stabilité financière. Le pays a annoncé un rééchelonnement de sa dette de 2314 milliards de FCFA, mais les experts estiment que si ce processus est mal géré, il pourrait conduire à des arriérés de paiement et à une hausse des taux d’intérêt. Cette situation pourrait dégrader la liquidité des banques de la région, qui détiennent une part importante de cette dette publique.
La situation des réserves de change a également été au cœur des préoccupations. Actuellement, les réserves de la Cemac ne couvrent plus que 2,1 mois d’importations, bien en deçà du seuil critique de 4 mois. Cette situation, combinée à la fragilité des finances publiques, met en évidence l’urgente nécessité de redresser la barre. En effet, selon les prévisions du FMI, la dette publique de certains pays de la Cemac, notamment le Congo, pourrait atteindre près de 95 % du PIB d’ici la fin de l’année 2024, bien au-delà du seuil acceptable de 70 % du PIB.
Face à cette situation alarmante, les dirigeants ont reconnu la nécessité d’agir de manière concertée et rapide. Le communiqué final du sommet a mis en exergue les actions collectives devant être entreprises, notamment la diversification des économies de la région, l’accélération des réformes fiscales et la mise en place de politiques budgétaires plus rigoureuses.
Les dirigeants ont aussi exhorté les partenaires au développement à soutenir leurs efforts, en particulier en ce qui concerne la révision des accords financiers avec certains pays membres. « Nous devons renforcer notre résilience en travaillant de manière plus étroite avec nos partenaires internationaux », a conclu le président camerounais.
Dans ce contexte difficile, le soutien des institutions internationales, notamment du FMI, de la Banque mondiale et de la BAD, sera crucial. L’accompagnement technique et financier de ces institutions permettra de renforcer les capacités des États membres à mettre en œuvre les réformes nécessaires. Toutefois, la responsabilité première incombe aux pays de la Cemac, qui doivent faire preuve de solidarité et d’engagement pour éviter une crise économique majeure.
ce sommet extraordinaire à Yaoundé aura donc permis de poser les bases d’un plan d’action pour sortir la Cemac d’une crise. Les chefs d’État ont clairement exprimé leur volonté d’agir et ont pris des engagements pour mettre en œuvre les réformes nécessaires. Cependant, les défis restent immenses.
La solidarité régionale, le soutien international et une mise en œuvre rigoureuse des décisions seront les clés pour éviter un effondrement économique et financier de la sous-région. Si ces mesures sont bien appliquées, la Cemac pourrait renouer avec une trajectoire de croissance plus stable et durable. Mais en l’absence d’une action rapide et coordonnée, le spectre d’une crise plus grave demeure omniprésent.
Constantin GONNANG, Afrik Inform ☑️