L’ancien ministre ivoirien Tidjane Thiam, figure reconnue de la finance internationale, portera les couleurs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) à l’élection présidentielle prévue le 25 octobre prochain. Sa désignation intervient dans un climat politique tendu, marqué par des débats juridiques sur sa nationalité et des exclusions au sein de l’opposition.
Jeudi 17 avril, à l’issue d’une convention du PDCI où il était le seul en lice, Tidjane Thiam a été officiellement investi candidat à la magistrature suprême. Âgé de 62 ans et résidant actuellement à l’étranger, il a obtenu un large soutien avec 99,50 % des suffrages exprimés, soit 5 321 voix, pour un taux de participation de 93,17 %. L’annonce des résultats a déclenché une ferveur chez les militants réunis, qui ont entonné l’hymne du parti en scandant « Titi président ».

Les électeurs convoqués pour cette consultation interne étaient principalement des responsables de sections et membres d’organes dirigeants, répartis sur près de 400 bureaux à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Une notoriété à construire
Tidjane Thiam bénéficie d’une réputation bien établie à l’échelle internationale — ayant dirigé des géants de la finance comme Aviva, Prudential ou encore le Crédit Suisse —, il reste encore peu ancré dans l’imaginaire politique ivoirien. Le politologue Geoffroy Kouao souligne qu’il « n’est pas bien connu des Ivoiriens », ajoutant que « le PDCI doit redoubler d’efforts en termes de communication politique et de rencontres ».
L’ancien ministre n’a en effet pas vécu en Côte d’Ivoire pendant plus de deux décennies. Ses soutiens, eux, misent sur sa stature internationale pour séduire l’électorat, assurant que sa popularité traverse toujours les frontières nationales.
Un parcours entaché par une polémique juridique
La désignation de Thiam n’éteint pas les contestations, notamment autour de sa nationalité. Né en Côte d’Ivoire, il avait obtenu la nationalité française en 1987. Dans la perspective de la présidentielle, il y a officiellement renoncé en mars dernier, comme l’exige la législation ivoirienne interdisant les candidatures binationale.
Cependant, ses adversaires avancent qu’en vertu de l’article 48 du code de la nationalité datant des années 1960, cette naturalisation aurait entraîné automatiquement la perte de sa citoyenneté ivoirienne. Le PDCI dénonce ce qu’il considère comme des « manœuvres » du pouvoir afin d’empêcher Tidjane Thiam d’être candidat.
La commission électorale a pour sa part validé son inscription sur les listes électorales, bien qu’un recours judiciaire reste en suspens.
Opposition sous pression et exclusions en série
À six mois du scrutin, le paysage politique ivoirien est traversé par des secousses. Trois figures majeures de l’opposition – Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro – restent écartées de la compétition en raison de condamnations judiciaires. Pourtant, ils ont tous annoncé leur intention de se présenter.
Leurs noms ne figurent pas dans la version provisoire de la liste électorale, dont la version définitive est attendue en juin. Le PDCI et le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Gbagbo ont décidé de suspendre leur participation à la Commission électorale, qu’ils jugent inféodée au pouvoir.
Face à cette fronde, le RHDP, parti du président sortant Alassane Ouattara, affirme qu’il « n’entend pas se laisser distraire par tout ce vacarme orchestré par une opposition qui, en réalité, a peur des élections ».
Le chef de l’État, âgé de 83 ans, n’a pour l’instant pas levé le voile sur ses intentions. En janvier, il déclarait seulement être « désireux de continuer à servir son pays », laissant planer le doute sur une éventuelle candidature à un quatrième mandat.
Dans ce contexte tendu, Tidjane Thiam devra non seulement affirmer sa légitimité électorale, mais aussi bâtir un lien de confiance avec les électeurs, sur fond de controverses juridiques et d’un climat politique de plus en plus polarisé.
Constantin Gonnang avec France 24 pour Afrik inform ☑️