« Je n’ai pas peur », « La vérité triomphera », « On a voulu me faire disparaître », « Ce n’est pas un ancien chef d’État qu’on enferme, c’est un homme innocent ». Tels sont les mots répétés par Nicolas Sarkozy ces derniers jours, dans l’attente de ce moment qu’il redoutait depuis des semaines. Ce mardi matin du 21 octobre 2025, peu après 9 h 30, l’ancien président de la République française a quitté son domicile du XVIᵉ arrondissement de Paris pour être incarcéré à la maison d’arrêt de la Santé, dans le XIVᵉ arrondissement. L’image est saisissante : celle d’un ancien chef d’État, symbole de la puissance publique, franchissant les portes d’une prison. Une scène rare et historique sous la Ve République.
Une matinée millimétrée : du domicile à la prison de la Santé
Le départ de Nicolas Sarkozy s’est déroulé dans le plus grand calme, sous haute surveillance policière. Vers 9 h 30, un convoi discret a quitté la rue Pierre-Guérin, où vit l’ancien président, escorté par les services de sécurité. Devant son domicile, quelques dizaines de soutiens s’étaient rassemblés dès 8 h 30, brandissant des pancartes et criant son nom. Le cortège a pris la direction du XIVᵉ arrondissement, où la prison de la Santé, récemment rénovée, attendait son hôte le plus célèbre du jour.
L’ancien président est entré par une porte secondaire, à l’abri des caméras et des curieux. Aucun geste, aucun mot. Les journalistes massés à l’entrée n’ont aperçu qu’une voiture noire s’engouffrer derrière les grilles. Selon plusieurs sources judiciaires, tout s’est déroulé rapidement : formalités d’écrou, vérification d’identité, puis transfert immédiat vers une cellule spécialement aménagée. La consigne était claire : éviter tout incident et toute image publique susceptible de choquer l’opinion.
Un isolement sous haute surveillance
À 70 ans, Nicolas Sarkozy entame une peine de cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Pour des raisons de sécurité, il a été placé dans le « quartier des détenus vulnérables », réservé aux personnalités ou anciens responsables publics.
Sa cellule, d’environ dix mètres carrés, dispose d’une douche, d’un bureau, d’un téléphone avec des contacts préenregistrés. Il y sera seul, sous surveillance renforcée, pour éviter tout contact avec d’autres détenus. Les conditions de détention, bien que strictes, respectent le protocole applicable à toute personne condamnée. L’ancien président pourra recevoir la visite de ses avocats et communiquer avec ses proches selon le régime de droit commun.
Ses conseils ont déjà déposé une demande de mise en liberté, que le tribunal devra examiner dans un délai maximum de deux mois. Une procédure rare mais prévue par la loi, qui pourrait aboutir à un aménagement de peine, voire à une détention à domicile sous surveillance électronique, si la justice estime que les garanties sont suffisantes.
« Un jour funeste pour la France et pour nos institutions » : la réaction de son avocat
Peu après l’incarcération de Nicolas Sarkozy, son avocat Jean-Michel Darrois s’est exprimé en direct sur France 24. Le visage grave, il a déclaré : « C’est un jour funeste pour lui , pour la France et pour nos institutions » . L’avocat a dénoncé une décision « injuste et mal fondée en droit », rappelant que son client reste présumé innocent tant que les voies de recours ne sont pas épuisées. «J’espère que justice sera rendue », a-t-il ajouté, en annonçant le dépôt d’une demande de remise en liberté immédiate.
Autour de l’ancien président, la riposte juridique s’organise. Plusieurs ténors du barreau, dont Thierry Herzog, dénoncent une « justice d’exécution politique ». Sur les réseaux sociaux, des responsables politiques de droite ont également exprimé leur indignation, accusant le pouvoir judiciaire d’avoir « franchi une ligne rouge ».
Un précédent historique sous la Ve République
L’image d’un ancien président de la République française franchissant les portes d’une prison a une résonance particulière dans l’histoire contemporaine. Sous la Ve République, aucun chef d’État n’avait jamais été incarcéré. Jacques Chirac, condamné en 2011 dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, avait échappé à la prison pour raisons de santé. François Fillon, ancien Premier ministre, avait été placé sous bracelet électronique.
Avec Nicolas Sarkozy, c’est une première. Une scène que beaucoup pensaient impensable. Pour les uns, c’est la preuve d’une justice indépendante, capable de juger les plus puissants. Pour d’autres, c’est le signe d’une institution devenue politique. Dans tous les cas, cette journée du 21 octobre 2025 restera comme un tournant : l’effondrement symbolique d’un ancien président qui clamait encore hier sa confiance dans les institutions françaises.
Les origines d’une chute : l’affaire du financement libyen
L’enquête, ouverte en 2013, portait sur des soupçons de financement occulte de la campagne présidentielle de 2007 par le régime libyen de Mouammar Kadhafi. Plusieurs intermédiaires et proches de Nicolas Sarkozy, dont Claude Guéant et Ziad Takieddine, ont été cités dans le dossier. Selon les juges, des transferts de fonds d’origine libyenne auraient servi à alimenter la campagne victorieuse de l’ancien président.
Le 25 septembre 2025, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison ferme, retenant contre lui les charges « d’association de malfaiteurs » et de « financement illégal de campagne ». Le jugement précise que l’appel ne suspend pas l’exécution de la peine, une disposition exceptionnelle pour un ancien chef de l’État. Les juges ont souligné « la gravité des faits » et « la responsabilité morale d’un dirigeant qui a laissé ses proches agir en son nom ».
Depuis cette date, Nicolas Sarkozy n’a cessé de dénoncer un « complot politique », affirmant qu’il n’a jamais reçu d’argent du régime libyen. Ses avocats ont promis de « faire éclater la vérité » devant la cour d’appel.
L’homme, le pouvoir et la chute
L’histoire retiendra peut-être cette image : un homme seul, enfermé dans une cellule, après avoir dirigé la cinquième puissance mondiale.
De l’Élysée aux murs froids de la Santé, Nicolas Sarkozy traverse aujourd’hui le plus grand échec de sa carrière politique. Pour ses partisans, il reste un président injustement condamné. Pour ses détracteurs, il est le symbole d’une impunité déchue.
Dans cette cellule silencieuse, l’ancien chef d’État répète encore, selon ses proches : « Je suis innocent. Et la vérité triomphera » . Une phrase qui résonne, dans l’obscurité d’une prison, comme l’écho d’un combat qu’il n’a pas encore abandonné.
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