Le 7 décembre 2024, près de 18,8 millions de Ghanéens se rendront aux urnes pour choisir leur prochain président et renouveler les membres du Parlement. Ce double scrutin se déroule dans une atmosphère marquée par une crise économique persistante et des tensions sociales et politiques grandissantes.
Sous le slogan « Élections 2024, votre vote, votre avenir », la Commission électorale du Ghana cherche à encourager une participation massive au premier tour, prévu ce samedi. Un éventuel second tour, qui pourrait avoir lieu dans les 21 jours suivant le premier, déterminera le nouveau président.
Ces élections marquent également la fin du mandat de Nana Akufo-Addo, qui, à 80 ans, cède la place après deux mandats à la tête du pays, un mandat qui, malgré sa promesse de stabilité politique, n’a pas permis de surmonter les défis économiques du Ghana.
Un duel attendu entre deux figures emblématiques
Douze candidats sont en lice, mais la compétition semble se résumer à un affrontement entre deux poids lourds de la scène politique ghanéenne : Mahamudu Bawumia, actuel vice-président et candidat du parti au pouvoir, le New Patriotic Party (NPP), et John Mahama, ex-président (2012-2017) et leader du National Democratic Congress (NDC), qui cherche à revenir au pouvoir.
Mahamudu Bawumia, économiste de 61 ans, mise sur la numérisation pour redresser l’économie, bien que son mandat ait été marqué par une crise économique sans fin. De son côté, John Mahama, âgé de 66 ans, propose de ramener le pays à son état d’avant la présidence d’Akufo-Addo, mais son précédent mandat a été terni par des difficultés économiques et des scandales de corruption.
Malgré leurs échecs respectifs dans la gestion des grandes problématiques économiques, les deux partis restent solidement implantés dans le paysage politique. Lionel Ossé Éssima, analyste politique pour CDD-Ghana, souligne : « Les deux grands partis peuvent toujours compter sur des millions de partisans, car le paysage politique est tellement polarisé entre le NPP et le NDC que les petits partis, mal organisés et moins ressources, peinent à rivaliser ».
Le poids des jeunes électeurs dans ce climat délétère
Les candidats marginaux, comme Nana Kwame Bediako ou Alan Kyerematen, semblent condamnés à jouer un rôle marginal dans cette élection. Les derniers sondages montrent un résultat serré entre Bawumia et Mahama. Dans ce contexte, le vote des jeunes, représentant 56% de la population et avec un âge médian de 21 ans, pourrait s’avérer décisif.
John Osae-Kwapong, directeur du projet The Democracy Project, note que malgré un taux d’abstention élevé chez les jeunes de 18 à 25 ans, la majorité d’entre eux prévoit de se rendre aux urnes « Huit sur dix des jeunes de cette tranche d’âge affirment qu’ils voteront. » Toutefois, il reste difficile de déterminer l’influence réelle de ces jeunes dans le débat politique, car leurs actions sont souvent limitées à soutenir les partis en place sans initiatives collectives.
Néanmoins, les jeunes, qui ont été à l’avant-garde de plusieurs mouvements sociaux, comme FixTheCountry, qui réclament une meilleure gouvernance et plus de justice sociale, pourraient jouer un rôle clé en influençant les priorités politiques sauf que les préoccupations environnementales, notamment la pollution des rivières due à l’orpaillage illégal, restent largement ignorées par les candidats, comme le déplore l’artiste engagé Wanlov The Kubolor«personne ne fait campagne pour arrêter ce qui arrive à nos rivières. »
Une crise économique qui domine l’agenda politique
L’élection se déroule dans un climat de grave crise économique. Le Ghana, bien que riche en ressources naturelles, traverse des difficultés majeures : inflation de 22%, un taux de chômage élevé de plus de 14%, et près d’un quart de la population vit dans la pauvreté. Godfred Bokpin, économiste à l’Université du Ghana, explique que les récents événements mondiaux, comme la pandémie et la guerre en Ukraine, ont exacerbé ces difficultés « Le coût de la vie, le chômage et la pauvreté ont augmenté. Les inégalités sont de plus en plus prononcées. »
La dette extérieure du pays, qui représente encore 83% du PIB, reste un frein majeur à la croissance, malgré plusieurs restructurations. Bokpin ajoute que, quel que soit le parti qui sortira vainqueur, « les défis économiques restent de taille et des années difficiles attendent le pays». Bien que le Fonds Monétaire International (FMI) ait récemment salué des « progrès notables » dans la gestion de la dette et ait accordé une nouvelle tranche d’aide de 360 millions de dollars, le futur économique du Ghana demeure incertain.
Pourtant, malgré la situation morose, de nombreux Ghanéens, comme l’artiste critique Bright Ackwerh, considèrent ces élections comme un moment déterminant pour l’avenir du pays « Ce sont les élections les plus importantes de l’histoire récente du Ghana. Beaucoup de gens sentent qu’il s’agit d’une lutte pour leur libération des élites politiques qui se sont emparées de l’État et de ses ressources » dit t’il tout en relevant que « L’intérêt semble faible car les élections précédentes, qui promettaient de sortir le pays de ses difficultés, ont échoué ».
Cette élection pourrait bien être un tournant décisif, mais pour l’instant, l’incertitude demeure quant à sa capacité à résoudre les problèmes structurels du Ghana.
Constantin GONNANG avec RFI pour Afrik Inform ☑️