«Grandeur et espérance » : le slogan qui divise, entre vide symbolique et plaidoyer philosophique.

Entre Bouba Kaélé, professionnel de la publicité et de la communication, et Patrick Philippe Rifoé, communicant de métier mais militant engagé du RDPC, le slogan « Grandeur et espérance » de la campagne de Paul Biya devient le centre d’un duel intellectuel et politique. Derrière cette controverse, se joue un débat plus large sur la vision, le pouvoir et le sens du message politique au Cameroun.

Le débat est lancé.

Le 1er octobre 2025, Bouba Kaélé, communicant chevronné et expert reconnu en Marketing, publie une analyse de l’affiche de campagne du candidat du RDPC, Paul Biya. Selon lui, cette affiche, dominée par la figure immuable du chef de l’État, « ne dit rien ».
Il y voit une « image sans âme », marquée par « un vide esthétique et symbolique », et un slogan – Grandeur et espérance – qu’il qualifie de « formule creuse, presque mystique ». Pour Bouba Kaélé, l’affiche « ne parle pas du Cameroun », mais « de Paul Biya, encore et toujours ».

Son texte, publié dans le quotidien «Le Jour», a rapidement circulé sur les réseaux sociaux, dans les bureaux et dans l’administration, devenant un objet de discussion national. Mais il a aussi suscité une riposte.

Patrick Philippe Rifoé contre-attaque : la grandeur comme tension vers l’avenir.

Dans une réponse très longue, Patrick Philippe Rifoé, également professionnel de la communication mais militant engagé du RDPC, défend vigoureusement la cohérence du message de campagne de son candidat.
Selon lui, Bouba Kaélé se méprend sur la fonction même d’une affiche politique. « L’affiche n’a pas à exposer un programme ; elle doit capter l’attention et susciter le désir », écrit-il, invoquant le modèle AIDA de la communication persuasive.

Pour Rifoé, le slogan Grandeur et espérance n’est pas vide : il exprime « une tension vers un avenir meilleur », en ancrant la nation camerounaise dans une dynamique de dépassement.
« Il n’y a pas de grandeur sans espérance », explique-t-il, mobilisant des références à Boltanski, Chiapello ou Henry Jenkins pour montrer que la communication politique contemporaine s’inscrit dans une logique transmédiatique où chaque support – affiche, site web, application mobile – complète l’autre.

Il rappelle d’ailleurs que les propositions du candidat Paul Biya sont accessibles sur le site paulbiya2025.com et via l’application mobile Paul Biya 2025, arguant que l’affiche n’est qu’un élément d’un ensemble cohérent.

Bouba Kaélé persiste et signe : un slogan qui ne grandit pas

Dans une nouvelle tribune, Bouba Kaélé maintient sa position et juge la défense de Rifoé « verbeuse, sans fond, et saturée de références gratuites ».
« On me parle de grandeur, mais on ne me dit pas comment y parvenir. On évoque des défis, mais on ne les nomme pas », tranche-t-il. Pour lui, Rifoé élude le cœur du débat : « disqualifier le messager pour éviter de répondre au message ».

L’expert en publicité rappelle que, dans toute communication politique, une affiche doit incarner une vision, créer une émotion, donner un cap.
« Si l’on doit aller sur un site ou une application pour comprendre un slogan, c’est qu’il n’y a pas de message. L’affiche est un écran de fumée, un slogan qui ne grandit pas », conclut-il.

Deux professionnels, deux visions de la communication politique

Le face-à-face Kaélé–Rifoé illustre deux écoles de pensée.

Bouba Kaélé, homme de terrain et créatif issu de la publicité, exige du message politique qu’il parle au peuple, qu’il inspire et mobilise.

Patrick Philippe Rifoé, communicant institutionnel et militant RDPC, défend une communication symbolique, où le chef et le slogan incarnent la stabilité et la continuité.

Ce choc de perspectives traduit le clivage entre une communication citoyenne, centrée sur le sens, et une communication partisane, centrée sur la loyauté et la symbolique du pouvoir.

Un slogan devenu champ de bataille idéologique

En définitive, le débat dépasse les deux hommes.
Grandeur et espérance devient le miroir d’un pays à la croisée des chemins : pour les uns, il reflète l’essoufflement d’un régime sans horizon ; pour les autres, il traduit la persistance d’une ambition nationale, d’un Cameroun qui veut croire encore.

Entre les lignes, se lit un même constat : la politique camerounaise a besoin de sens, d’écoute et de vision.
Et si l’affiche de Paul Biya, par son mutisme, a au moins permis de rouvrir ce débat, c’est peut-être là sa véritable réussite.


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