Madagascar | Une République au bord du gouffre : mutinerie, affrontements et appel au calme

Antananarivo, 11 octobre 2025. Sur fond de coupures du et d’électricité, la colère populaire s’est transformée en véritable crise d’État. Ce week-end, la capitale malgache a été le théâtre d’une mutinerie au sein de l’armée, d’affrontements violents entre manifestants et forces de l’ordre, et d’un appel solennel de la présidence à défendre « l’ordre constitutionnel ».

Une mutinerie qui réveille les vieux démons de 2009

Tout est parti de la base militaire de Soanierana, à la périphérie d’Antananarivo. Des soldats du CAPSAT (Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques) ont rompu avec leur hiérarchie et rejoint les manifestants dans les rues de la capitale.

En 2009, ce même corps avait déjà joué un rôle décisif dans le soulèvement populaire qui avait porté au pouvoir Andry Rajoelina. Seize ans plus tard, l’histoire semble bégayer.

Les militaires mutinés ont escorté les manifestants jusqu’à la Place du 13 Mai, haut lieu symbolique des contestations malgaches. Des vidéos circulant sur les réseaux montrent des civils acclamant les soldats et scandant des appels à la démission du chef de l’État.

Devant la caserne, des affrontements ont éclaté entre gendarmes et militaires. La tension reste vive dans la capitale, où les forces de sécurité ont eu recours à des grenades assourdissantes et à des tirs de sommation.

« Une tentative de prise du pouvoir illégale »

Face à l’escalade, la Présidence de la République a publié un communiqué officiel ce dimanche 12 octobre, dénonçant une « tentative de prise de pouvoir illégale et par la force, contraire à la Constitution et aux principes démocratiques ». Le texte, signé par la Direction de la Communication, appelle les citoyens à rester unis et condamne toute entreprise de division : « Le peuple malagasy doit rester uni et empêcher toute tentative de déstabilisation qui met en péril la démarche vers le développement de Madagascar ».

Le chef de l’État, Andry Rajoelina, affirme « rester dans le pays » et « continuer à diriger les affaires nationales », démentant ainsi les rumeurs de fuite ou de refuge à l’ambassade de France. Selon plusieurs médias internationaux, la rumeur est non fondée et a été classée parmi les fausses informations circulant sur les réseaux sociaux.

Un pays à l’épreuve de la rue

Depuis le 25 septembre, les manifestations se sont multipliées à Antananarivo et dans plusieurs grandes villes, menées par le mouvement Gen Z, né sur les réseaux sociaux. Initialement centrée sur la dénonciation des coupures d’eau et d’électricité, la contestation s’est muée en mouvement politique appelant à un changement profond de gouvernance.

Le Premier ministre Ruphin Fortunat Zafisambo a tenté d’apaiser la tension en prônant le dialogue. « Madagascar ne pourra pas résister à d’autres crises si cette division entre citoyens persiste », a-t-il déclaré dans un bref message télévisé.

Malgré cet appel, les rues d’Antananarivo demeurent le théâtre d’affrontements entre civils et forces de l’ordre. Les Nations unies font état d’au moins 22 morts et plus d’une centaine de blessés, tandis que le gouvernement parle de « 12 pertes de vies » parmi des « pilleurs et casseurs ».

Le spectre d’une impasse politique

La crise actuelle ravive le souvenir douloureux des changements de régime violents qui ont marqué l’histoire récente de Madagascar. Les appels au dialogue se multiplient, mais la méfiance reste profonde entre les différentes parties : le pouvoir, l’armée, et une jeunesse qui réclame « un nouveau départ ».

Les diplomaties étrangères observent la situation avec prudence, tandis que plusieurs compagnies aériennes ont suspendu leurs vols vers la Grande Île.

L’incertitude politique s’installe, sur fond de peur d’un basculement vers un nouvel effondrement institutionnel. Le communiqué présidentiel conclut sur un ton grave : « Le dialogue est la seule voie et issue dans la résolution de cette crise». Mais dans les rues d’Antananarivo, ce mot peine encore à s’imposer.

La République malgache chancelle sous le poids d’une mutinerie, d’une défiance croissante et d’une colère populaire, tiraillée entre le respect de sa Constitution et l’exaspération d’un peuple épuisé.


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