Un vent de scandale souffle sur Bamako. Le Bureau du Vérificateur Général (BVG) a récemment jeté un pavé dans la mare en publiant un rapport accablant sur la gestion de lâAgence de Gestion du Fonds dâAccès Universel (Agefau) entre 2020 et 2023.
Cette institution, censée promouvoir lâaccès universel aux télécommunications, se retrouve au cÅur dâun imbroglio de détournements et de dépenses jugées illégales, dont lâancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga serait lâun des principaux bénéficiaires.
Des fonds publics dilapidés sous couvert de « souveraineté »
Au fil de ses 113 pages, le rapport du BVG dresse un tableau sans concession. Entre prêts irréguliers, frais de mission démesurés et dépenses non justifiées, les faits évoqués ont de quoi soulever lâindignation. En avril 2020, un prêt dâenviron 20 milliards de FCFA (30 millions dâeuros) aurait été accordé illégalement au Trésor public pour répondre à la pandémie de Covid-19.
Bien que ce prêt ait été octroyé avant lâarrivée de Choguel Maïga à la tête du gouvernement, dâautres irrégularités semblent directement lâimpliquer.
Deux missions effectuées par lâancien Premier ministre, en décembre 2023, à Konobougou et Dalala, auraient donné lieu au versement de frais de mission et de dépenses dites de souveraineté, atteignant plus de 47 millions de FCFA (71 600 euros). Ces montants faramineux, loin des plafonds réglementaires, auraient financé des délégations pléthoriques et des frais non justifiés.
Un « château de sable » administratif
LâAgefau, placée sous la tutelle du Premier ministre, semble avoir fonctionné comme une passoire budgétaire. Les auditeurs du BVG dénoncent un contrôle interne quasi inexistant. Outre les missions controversées, des abonnements téléphoniques injustifiés pour le personnel (13 millions de FCFA) et des équipements fantômes, notamment pour des écoles, (15 millions de FCFA) sâajoutent à la longue liste des irrégularités.
Les redevances dues à la télévision nationale, lâORTM, nâont pas été reversées, pour un montant avoisinant 92 millions de FCFA (140 000 euros). Ce tableau chaotique laisse entrevoir un mélange dâamateurisme et de mauvaise foi dans la gestion des ressources publiques.
Un parfum de vendetta politique ?
Ces révélations explosent dans un contexte déjà marqué par la tension. Limogé en novembre 2024 après avoir critiqué la gestion des militaires au pouvoir, Choguel Maïga ne cache pas ses ambitions politiques. Certains observateurs voient dans cette publication un possible règlement de comptes. Le rapport du BVG, fruit dâune enquête menée entre mars et octobre 2024, intervient opportunément, alimentant les soupçons dâune manÅuvre pour affaiblir un adversaire.
Interrogé par des journalistes, Choguel Maïga a préféré garder le silence, tandis que son entourage dénonce un complot visant à ternir sa réputation. Une réunion filmée début décembre montre lâex-chef du gouvernement évoquant déjà ces accusations et rejetant toute implication. « Moi, jâai la conscience tranquille », déclarait-il alors, accusant ses détracteurs de manigancer contre lui.
Vers une suite judiciaire ?
Si lâancien Premier ministre échappe pour lâinstant à une convocation officielle, la machine judiciaire semble sâébranler. Le BVG a transmis ses conclusions à la Cour suprême, laissant présager des développements judiciaires dans les mois à venir.« Les militaires veulent sa tête, câest clair comme de lâeau de roche », confie un ancien ministre à RFI sous couvert dâanonymat. « Ils cherchent un prétexte pour le mettre hors-jeu. Mais il nâest pas le seul responsable. »
Alors que les autorités de transition mettent en avant leur volonté de lutter contre la corruption, cette affaire risque de polariser davantage une scène politique déjà fracturée. Reste à savoir si ce rapport marquera le début dâune refonte de la gouvernance ou sâil sâinscrira comme une nouvelle pierre dans lâédifice des rivalités politiques. Le peuple malien, pris en otage par ces joutes au sommet, attend des réponses claires.
Constantin GONNANG, Afrik Inform âï¸
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