Monde| François, le pape qui parlait à l’âme de l’Afrique

Disparu à 88 ans, il aura incarné un pontificat marqué par une attention constante envers le continent africain. Entre voyages marquants, gestes prophétiques et relations franches avec les leaders africains, le pape François a laissé une empreinte spirituelle et politique sur l’Afrique contemporaine.

Lorsqu’il accède au trône de Pierre en mars 2013, peu de voix s’attendent à ce que le premier pape venu d’Amérique latine accorde une place aussi centrale à l’Afrique. Et pourtant. Pendant douze années de pontificat, Jorge Mario Bergoglio, devenu François, n’aura cessé de regarder vers ce continent avec une intensité particulière.Ni condescendance, ni paternalisme : juste une écoute attentive, des gestes forts, des paroles franches.

Des premiers pas décisifs en 2015

Dès cette année, son premier voyage africain trace la voie. Trois pays, trois contextes, trois défis. Au Kenya et en Ouganda, il parle d’écologie, de jeunesse, de justice. Mais c’est en Centrafrique, à Bangui, que le monde retient son souffle. En pleine guerre civile, le pape ose s’y rendre.

Casque bleu à peine tombé, il ouvre lui-même la Porte Sainte de la cathédrale Notre-Dame de l’Immaculée Conception, lançant le Jubilé de la Miséricorde non depuis Rome, mais depuis une zone de conflit africain. Un symbole fort, une rupture dans les codes.

En Égypte en 2017, il s’adresse au monde musulman avec un appel vibrant à la paix et au respect mutuel. Deux ans plus tard, au Maroc, il poursuit ce dialogue interreligieux, plaidant pour une coexistence possible entre foi chrétienne et islam. Mais c’est à Kinshasa, en janvier 2023, que sa voix résonnera avec la plus grande force.

Dans un stade des Martyrs plein à craquer, le pape François s’adresse à l’Afrique, mais aussi au monde.« Retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer ses peuples. Ce continent n’est pas une mine à exploiter ni une terre à piller », tonne-t-il, dénonçant avec véhémence le néocolonialisme économique, les complicités locales et le silence occidental.

Ce voyage au Congo, suivi d’une halte au Soudan du Sud, avait été plusieurs fois repoussé à cause de ses ennuis de santé. Mais le pape avait insisté. En chaise roulante, visiblement affaibli, il marche sur le sol africain comme un pèlerin obstiné.

À Juba, il supplie les dirigeants, certains assis face à lui : « Posez les armes. Écoutez le cri de votre peuple ». Une supplique politique autant que spirituelle.

Des relais africains dans l’Église universelle

Ses relations avec les cardinaux africains ont aussi marqué son pontificat. Il a promu des figures comme le cardinal Dieudonné Nzapalainga en Centrafrique, devenu l’un des symboles de la paix interreligieuse.

Il s’est appuyé sur la voix du cardinal Fridolin Ambongo à Kinshasa, devenu son porte-parole sur les injustices économiques. Mais il n’a pas hésité non plus à recadrer certaines positions conservatrices, notamment sur les questions sociétales, affirmant que « l’Afrique a son mot à dire, mais doit aussi écouter ».

Des chefs d’État écoutés mais jamais ménagés

Avec les chefs d’États africains, François a maintenu une ligne claire : respectueuse mais sans flatterie. Il a reçu en audience plusieurs présidents, tout en dénonçant régulièrement la corruption, les abus de pouvoir et la mauvaise gouvernance, parfois devant eux. Ce franc-parler a renforcé son aura auprès des peuples, même là où les gouvernants grinçaient.

En Afrique, le pape François n’a pas été un visiteur de protocole. Il a été un témoin, un frère, un prophète parfois dérangeant. Aujourd’hui, de Dakar à Kinshasa, de Bangui à Antananarivo, des fidèles pleurent un homme qui, bien que venu de Buenos Aires, avait su parler à l’âme du continent noir.

Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️

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