Demain, le 15 décembre, la 66e session ordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se tiendra à Abuja, au Nigeria. L’agenda de cette rencontre s’annonce particulièrement complexe, marqué par des enjeux politiques, économiques et sécuritaires de taille. Mais un élément captera particulièrement l’attention : les sièges des trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), le Mali, le Burkina Faso et le Niger resteront une nouvelle fois vides.
Les relations entre la Cédéao et ces trois pays, dirigés par des régimes militaires, sont particulièrement tendues depuis leur décision de se retirer des instances de l’organisation ouest-africaine. Cette rupture de relations, initiée par les juntes militaires de ces nations, a engendré une profonde divergence sur plusieurs sujets, notamment sur la question du retour rapide des civils au pouvoir. En conséquence, le Mali, le Burkina Faso et le Niger forment aujourd’hui un bloc qui ne partage plus la même vision que les autres membres de la Cédéao.
Malgré les tentatives répétées de dialogue de la part de l’institution sous-régionale, ces pays semblent déterminés à maintenir leur position. Une détermination qu’ils réaffirmeront sans doute lors du sommet de l’AES, prévu le 14 décembre, où ils rappelleront leur décision « irrévocable » de quitter la Cédéao, comme le soulignent les autorités locales.
Ainsi, cette absence prolongée pèse lourdement sur le sommet d’Abuja, où les discussions seront animées par des questions de paix, de sécurité, mais aussi de gouvernance et d’intégration régionale. Les préoccupations sécuritaires, liées à la lutte contre le terrorisme et à l’instauration d’une force d’attente ouest-africaine, seront au cœur des débats. En effet, la Commission de la Cédéao place désormais la lutte contre le terrorisme parmi ses priorités.
Mais au-delà de ces enjeux sécuritaires, les ministres des Affaires étrangères, réunis à huis clos depuis le 13 décembre, devront également discuter des défis économiques majeurs auxquels la région est confrontée.Un autre dossier particulièrement sensible sera celui de la Guinée, où la transition militaire se poursuit sans grande visibilité sur les élections à venir.
Le pays est désormais sous surveillance, notamment en raison du retard dans la mise en œuvre d’un processus démocratique. Ce climat d’incertitude politique amplifie les tensions déjà présentes entre les États membres de la Cédéao.Il faut dire que certains pays, comme le Togo, ont adopté une posture plus clémente vis-à-vis des autorités militaires du Sahel, contrairement à des nations comme la Côte d’Ivoire, le Bénin ou encore le Nigeria, plus fermes sur la nécessité d’un retour rapide à un ordre constitutionnel.
Les divergences de position ne manqueront pas de se faire sentir lors de ce sommet. À ce propos, la session préparatoire des ministres des Affaires étrangères a été qualifiée par certains médias de « difficile » en raison des multiples obstacles économiques et politiques à surmonter. C’est dans ce contexte tendu qu’Omar Alieu Touray, président de la Commission de la Cédéao, a souligné la nécessité d’une coopération renforcée entre les États membres pour relever les défis auxquels la région fait face.
Une question cruciale se pose à l’issue de cette réunion des ministres : les chefs d’État suivront-ils la recommandation du bureau du Parlement de la Cédéao ? Ce dernier préconise de proroger le délai de retrait des trois pays du Sahel, afin d’éviter une rupture définitive qui pourrait nuire à l’intégrité de l’organisation. Une telle mesure est perçue par certains comme une tentative de sauver ce qui peut l’être, même si les perspectives semblent de plus en plus sombres.
Dans ce climat sombre, le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, chargé de la médiation avec les dirigeants militaires du Sahel, devrait prendre la parole. Sa mission consiste à maintenir un dialogue avec ces régimes et à faire rapport sur les résultats de ses démarches. Toutefois, à l’approche de la date butoir du 28 janvier 2025, les positions des trois pays du Sahel semblent figées, et toute initiative de réconciliation paraît lointaine.
Le sommet de la Cédéao s’annonce donc, houleux, à l’image des rapports tendus entre les États membres. Les discussions seront marquées par des désaccords profonds, et les absences des trois pays de l’AES symboliseront une fracture de plus en plus visible au sein de cette organisation régionale pourtant censée unir l’Afrique de l’Ouest face aux défis communs. L’issue du sommet d’Abuja sera sans doute déterminante pour l’avenir de la Cédéao et de ses relations diplomatiques.
Constantin GONNANG, Afrik Inform ☑️