Ils n’avaient encore jamais affronté une présidentielle. Ni les urnes nationales, ni l’épreuve du suffrage à cette échelle. Pourtant, Hiram Iyodi, Hermine Patricia Tomaino Ndam Njoya et Jacques Bougha-Hagbe ont osé. Trois noms encore neufs dans la conquête du pouvoir suprême, trois trajectoires différentes, mais une même volonté : celle de s’imposer dans un espace politique longtemps codifié.
Hiram Iyodi, l’ingénieur du renouveau
À 38 ans, Hiram Samuel Iyodi est sans doute le plus jeune visage de cette cuvée 2025. Né à Douala, ingénieur en génie des procédés chimiques, il est aussi chef d’entreprise et militant de terrain. Longtemps resté dans l’ombre, notamment lors de la présidentielle de 2018 aux côtés d’Akere Muna, Iyodi a choisi cette fois de se jeter lui-même dans l’arène.
Candidat du Front des Démocrates Camerounais (FDC), il avait promis un Cameroun fédéral, souverain et libéré du franc CFA. Sa campagne, à la fois énergique et locale, s’est ouverte à New Bell, le quartier de ses origines : « Je ne pouvais pas commencer ailleurs qu’ici », disait-il, les bras levés face à une foule modeste mais conquise.
Du Nord au Sud-Ouest, il a multiplié les haltes — Garoua, Douala, Buea — prônant le dialogue pour pacifier les régions anglophones : « Les armes se tairont et le dialogue remplacera la violence en cent jours». Ses meetings se voulaient à la fois techniques et citoyens, portés par un ton direct, presque pédagogique.

Arrivé loin derrière avec 0,40 % des suffrages, Iyodi a néanmoins laissé une empreinte singulière : celle d’un candidat jeune, technocrate et idéaliste. Son désaccord ouvert avec son parti, qui a reconnu la victoire de Paul Biya, a parachevé le portrait d’un homme libre.
Dans une adresse aux citoyens, il a refusé le silence face aux violences post-électorales : « Un peuple qui aurait librement plébiscité un candidat choisirait-il, dans le même élan, de mourir dans les rues contre sa propre victoire ? »
Tomaino Ndam Njoya, la seule femme du scrutin
En 2025, elle était l’unique voix féminine à briguer la magistrature suprême. Hermine Patricia Tomaino Ndam Njoya, fille du regretté Dr Adamou Ndam Njoya, porte sur ses épaules l’héritage politique et moral de l’Union Démocratique du Cameroun (UDC). Juriste de formation, maire de Foumban, elle incarne la continuité d’un engagement familial et la rupture d’un modèle politique masculinisé.
Sa campagne, lancée le 29 septembre 2025 à l’esplanade du stade omnisports de Yaoundé, s’est voulue populaire et directe. Elle sillonne les marchés — Messassi, Ngousso, Essos, Elig-Edzoa — prêchant la transparence électorale et l’inclusion des femmes dans la décision publique. À Douala, lors d’un meeting vibrant, elle déclare : « On ne peut pas désespérer dans un pays. Je lui dis non ».

Le programme de Tomaino Ndam Njoya mêlait réformes et symboles : 500 000 emplois pour les jeunes, une journée nationale de pardon, une décentralisation effective et une réforme profonde des institutions.
Mais au lendemain du scrutin du 12 octobre, la présidente de l’UDC rejette fermement les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel : « Ce que nous avons vécu n’est pas une élection digne d’une République. C’est une confiscation d’un choix populaire ».
Dans un ton à la fois grave et solennel, elle appelle le peuple à exprimer pacifiquement sa soif de vérité.
Jacques Bougha-Hagbe, le technocrate citoyen
Lui aussi faisait ses premiers pas dans une élection présidentielle. Jacques Bougha-Hagbe, 50 ans, est un pur produit des institutions internationales : diplômé de l’École Centrale Paris, docteur en économie de Cornell, ancien économiste au FMI. Une trajectoire brillante, que l’on ne s’attendait pas forcément à voir se tourner vers les urnes.
À la tête du Mouvement Citoyen National Camerounais (MCNC), il déroule un discours rigoureux, rationnel, presque académique. Le 27 septembre 2025, à Douala, il prononce sa devise : « Un homme neuf pour un Cameroun nouveau ». Il promet la sortie du franc CFA, la création d’un Fonds monétaire africain, et la formalisation de l’économie informelle.

Sa campagne, structurée autour de la Sanaga-Maritime, a voulu allier proximité et expertise. Peu de moyens, mais une stratégie méthodique : installation des bureaux de campagne à Édéa, structuration des délégations régionales à Ngaoundéré, et même une rencontre symbolique avec Maurice Kamto, recalé du scrutin.
Le 28 octobre, après la proclamation des résultats, Bougha-Hagbe a choisi la voie de la modération : il félicite Paul Biya, invitant à « préserver la cohésion nationale ». Un positionnement salué par certains comme un acte de réalisme politique, mais perçu par d’autres comme une reddition prématurée.
Trois nouveaux visages, trois combats
Iyodi, Ndam Njoya et Bougha-Hagbe appartiennent à cette génération de candidats issus de partis encore en quête d’envergure nationale, mais portés par l’ambition de bousculer un échiquier dominé par des figures historiques. L’un a incarné la jeunesse et la fougue. L’autre, la voix féminine et la mémoire d’un parti d’opposition enraciné à l’Ouest. Le troisième, la compétence technocratique et la promesse d’un État rationnel.
Ils savaient qu’ils ne gagneraient probablement pas, mais ils ont voulu marquer leur présence, porter des voix et défendre une autre manière de faire de la politique. En cela, leur défaite n’est peut-être pas un échec, mais le premier acte d’un long apprentissage collectif — celui d’un Cameroun politique en quête de renouvellement.
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