Sénégal| Massacre de Thiaroye : L’Inclusion d’un Événement Historique Oublié dans la Mémoire Nationale

À l’occasion du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs de Thiaroye, survenu en 1944 près de Dakar, de nombreuses voix s’élèvent au Sénégal pour que cet événement tragique trouve enfin sa place dans les programmes scolaires, et soit pleinement reconnu dans la mémoire collective.

En ce 1er décembre, des commémorations marquent le 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, un événement longtemps relégué dans l’ombre. Des Sénégalais expriment leur espoir que cette tragédie, qui a frappé les tirailleurs africains sous le régime colonial français, soit intégrée à l’enseignement scolaire, contribuant ainsi à faire renaître cet épisode de l’Histoire dans les consciences collectives.

Un Silence Historique à Corriger

Aujourd’hui, le programme scolaire sénégalais continue d’ignorer cette partie de l’histoire. Mamadou Sané, professeur d’histoire au collège Thiaroye 44, déplore le fait que le massacre ne soit pas enseigné en tant que cours officiel. Cependant, les enseignants peuvent choisir d’aborder ce sujet sous forme de dossier pédagogique, donnant ainsi aux élèves l’occasion d’explorer cette page sombre de l’histoire.

L’école Thiaroye 44, l’une des quatre établissements de la localité, se situe sur l’ancien site du camp où, fin 1944, plus de 1 600 tirailleurs africains, anciens prisonniers de guerre allemands ayant combattu en 1940, étaient rassemblés.

Le 1er décembre de cette année-là, alors qu’ils réclamaient des arriérés de solde et d’autres compensations, ces hommes ont été massacrés par les forces coloniales françaises. Les autorités de l’époque ont reconnu la mort d’au moins 35 soldats, bien que certains historiens avancent un bilan beaucoup plus élevé, atteignant plusieurs centaines de victimes. À ce jour, l’emplacement exact des tombes reste un mystère.

L’ignorance du Passé dans les Écoles

À l’école Martyrs B de Thiaroye, le nom de l’établissement, qui renvoie à cette tragédie, reste inconnu des élèves, comme le souligne son directeur, Baba Bâ. « Il n’y a même pas de plaque commémorative» , déplore-t-il. Le cimetière militaire de Thiaroye, un site souvent cité comme lieu d’inhumation des tirailleurs, reçoit pourtant chaque mois la visite de nombreuses écoles, précise le commandant Mamadou Ndione, conservateur du musée du cimetière.

Le dernier programme officiel d’histoire date de 2006, et il n’évoque aucunement les événements de Thiaroye. Samba Diop, professeur d’histoire et membre du comité du 80e anniversaire, constate que cette page de l’histoire est toujours absente des manuels scolaires.

Un Mouvement Pour Réparer l’Oubli

Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a profité des commémorations pour sortir du « silence coupable » qui a longtemps marqué les relations entre le Sénégal et la France, selon l’historien Mamadou Diouf, président du comité de commémoration. De son côté, Ibrahima Thioub, ancien recteur de l’Université de Dakar, souligne que l’absence de Thiaroye dans les programmes scolaires ne résulte pas d’une sensibilité particulière au sujet. « Les événements comme le bombardement de Dakar en 1943 ou les pénuries de guerre ne sont pas davantage traités que Thiaroye», explique-t’il.

La commémoration du massacre est également l’occasion de dénoncer le rôle de la France, accusée non seulement d’avoir commis cette atrocité, mais aussi d’avoir cherché à l’occulter. Cependant, comme le précise Cheikh Kaling, professeur d’histoire, « l’absence de Thiaroye dans nos programmes d’histoire ne relève pas nécessairement d’une intervention de la France.»

Une Intégration Progressive dans les Programmes

À l’université, la question du massacre de Thiaroye reste marginale. Mamadou Yéro Baldé, professeur à la Fastef, constate que bien qu’elle soit parfois abordée dans des mémoires ou thèses, la question des tirailleurs et de Thiaroye reste peu présente dans l’enseignement général. « Les programmes laissent trop peu de place à de tels sujets cruciaux», déplore-t-il.

Pourtant, des initiatives commencent à voir le jour. Samba Diop, toujours membre du comité de commémoration, affirme que des fiches pédagogiques seront bientôt mises à disposition, permettant d’intégrer cette tragédie dans les programmes scolaires. Un colloque sur le massacre réunira des chercheurs sénégalais et internationaux à Dakar et à Thiaroye les 2 et 3 décembre, avec un atelier dédié à la place des tirailleurs dans les enseignements d’histoire. Le but est de rendre accessible à tous la documentation liée à cet événement, afin de nourrir la réflexion historique et de réparer l’oubli.

Il est désormais impératif de rendre justice à l’histoire de Thiaroye, non seulement en la reconnaissant dans les programmes scolaires, mais aussi en inscrivant cette mémoire dans la conscience collective sénégalaise, pour que le sacrifice des tirailleurs Africains ne soit plus oublié.

Constantin GONNANG, Afrik Inform ☑️

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