Il est de ces hommes dont le silence en dit plus long que mille discours, dont le regard traverse le brouillard diplomatique sans jamais perdre la direction du vent.
Sidi Mohamed Ould Tah, 60 ans, Mauritanien, nouveau président de la Banque africaine de développement (BAD), incarne une Afrique discrète mais essentielle, qui avance à pas comptés, sans tambours ni cymbales, mais avec une force que nul ne soupçonne vraiment jusquâà ce quâelle prenne la tête des grandes institutions du continent.
Fils du sable et des mathématiques
à Mederdra, dans le sud-ouest mauritanien, le vent du Sahara forge les caractères autant que le feu. Câest dans ce décor minéral quâil a vu le jour, dans une famille où lâon valorise lâinstruction comme un héritage sacré. Le jeune Sidi Ould Tah se passionne pour lâéconomie comme dâautres pour la poésie : avec la rigueur dâun artisan, et le sens du détail de ceux qui savent que la vérité est toujours cachée dans les marges.
Son parcours universitaire le mène dâabord à Nouakchott, puis vers Paris, où il obtient un DEA à Paris VII, et enfin un doctorat en sciences économiques à lâUniversité de Nice Sophia Antipolis. Là , déjà , se dessine un profil rare : un homme capable de comprendre les modèles macroéconomiques, tout en gardant les pieds dans la poussière des réalités africaines.
La voix douce du monde arabe dans la maison Afrique
Son ascension ne doit rien au hasard. Au fil des années, il occupe des fonctions de plus en plus stratégiques : dâabord à la Banque mauritanienne pour le développement et le commerce, puis au sein dâorganisations financières internationales, où il apprend à manier la diplomatie, les chiffres, et le langage feutré du financement multilatéral.
Mais câest à la tête de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) que son nom commence à résonner au-delà du Golfe et du Sahel. De 2015 à 2025, il transforme lâinstitution.
Sous sa houlette, les actifs de la BADEA presque doublent, lâombre dâune banque de second plan devient une lumière dans le concert du financement africain. Et dans cette lumière, lâAfrique redécouvre le rôle que peut jouer le monde arabe dans sa renaissance.
Un souffle nouveau à la BAD
Le 29 mai 2025, à Abidjan, câest donc avec 76 % des voix que Sidi Ould Tah est élu président de la BAD. Un vote clair, presque solennel. Ce nâest pas une élection. Câest une investiture.
Lâinstitution fondée en 1964, aujourdâhui pilier du financement du développement sur le continent, passe entre ses mains dans une période délicate : les pressions budgétaires montent, les attentes des Ãtats explosent, les urgences climatiques sâempilent.
Et pourtant, dans ce fracas, il avance comme à son habitude , sans bruit, mais avec une direction. Il parle peu. Quand il le fait, câest pour nommer lâessentiel. Il évoque la mobilisation des ressources internes africaines.
Il parle de mécanismes innovants, de crédit carbone, de financement mixte, de partenariats avec les Ãtats du Golfe. Il sait que la BAD nâest plus seulement une banque, mais un levier de souveraineté.
Une élégance sobre, une ambition continentale
Dans les couloirs de la BAD, on salue sa courtoisie, sa capacité à écouter plus quâà séduire, à convaincre sans chercher à conquérir. Il ne joue pas au visionnaire. Il agit en bâtisseur. Il comprend les équilibres, les susceptibilités régionales, les lignes de fracture entre zones francophones, anglophones, lusophonesâ¦
Il connaît lâAfrique, non pas depuis les bureaux dâAbidjan ou de Washington, mais depuis ses routes cahoteuses et ses conférences silencieuses. Il ne prétend pas réinventer le développement. Il veut le réenraciner dans les réalités. Ce qui, pour lui, commence par redonner confiance aux Africains dans leurs propres institutions.
Un président pour les temps graves
Il y a quelque chose de presque religieux dans sa manière de se tenir. Droit, posé, avec cette gravité tranquille qui rappelle les sages du désert. à lâheure où lâAfrique est confrontée à lâhydre de la dette, à lâinégalité croissante, à la tentation du repli, Sidi Ould Tah incarne un pont.
Un pont entre lâAfrique et le monde arabe. Un pont entre la technique et la dignité. Un pont entre ce que lâAfrique est, et ce quâelle aspire à devenir. Il nâest pas un homme pressé. Il est un homme déterminé. Cela fait toute la différence.
Constantin GONNANG, Afrik inform âï¸
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