Il y a encore quelques mois, il siégeait à l’Assemblée nationale, dirigeait la mairie de Saint-Louis et figurait parmi les piliers du régime de Macky Sall. Aujourd’hui, Mansour Faye dort à la prison de Rebeuss, à Dakar.
Le lundi 26 mai 2025, après une comparution de plusieurs heures devant la commission d’instruction de la Haute Cour de Justice, l’ancien ministre du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale a été inculpé pour complicité de détournement de deniers publics et escroquerie, dans le cadre de l’enquête sur la gestion du Fonds de riposte contre la pandémie de Covid-19.
La chute est brutale pour celui qui est aussi le beau-frère de l’ex-chef de l’État Macky Sall. Cette incarcération s’inscrit dans une vaste opération de reddition des comptes enclenchée par les nouvelles autorités sénégalaises depuis l’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye.
Entre septembre 2024 et avril 2025, 262 personnes ont été interpellées dans le cadre de 292 dossiers, et 15 milliards de francs CFA auraient déjà été recouvrés, selon le Pool judiciaire financier.
La gestion trouble du Fonds Covid-19
La justice reproche à Mansour Faye son rôle dans la gestion du Fonds « Force Covid-19 », mis en place entre 2019 et 2020, alors qu’il occupait un ministère stratégique. Doté d’environ 1 000 milliards de francs CFA (près de 1,5 milliard d’euros), ce fonds devait soutenir le système sanitaire et venir en aide aux populations vulnérables pendant la pandémie.
Mais un rapport accablant de la Cour des comptes, publié fin 2023, a révélé de nombreuses irrégularités.Parmi les plus notables : une surfacturation de 2,7 milliards de francs CFA sur des achats de riz, l’achat de gels hydroalcooliques à des prix anormalement élevés, ainsi que 19 milliards de dépenses injustifiées.
Le même rapport met aussi en lumière l’attribution douteuse de 17 marchés totalisant 15 milliards de FCFA à trois agences de voyages appartenant à une seule personne, sans expérience dans la fourniture de matériel médical.
La défense crie à l’acharnement politique
Les avocats de Mansour Faye dénoncent ce qu’ils qualifient de « commande politique » visant à atteindre Macky Sall par personne interposée. Me El Hadji Amadou Sall, l’un de ses conseils, estime que l’ancien ministre n’a jamais pris part aux processus d’attribution des marchés ni ordonné de paiements. « Mansour Faye est coupable d’une seule chose : il est le beau-frère du Président Macky Sall », dénonce-t-il.
Pour tenter de lui éviter la détention, ses avocats ont même proposé comme caution un terrain agricole appartenant à Macky Sall, d’une valeur de plusieurs milliards, sans succès. La défense a également soulevé une exception d’inconstitutionnalité sur la loi instituant la Haute Cour de Justice, qu’elle estime contraire à la Constitution sénégalaise et aux conventions internationales relatives au droit à un procès équitable. Une demande de sursis à statuer a été introduite en attendant la réponse du Conseil constitutionnel, mais a été rejetée.
Une série noire pour les anciens dignitaires
Amadou Mansour Faye devient le cinquième ancien ministre du régime Sall à être inculpé dans cette affaire. Pour beaucoup, ces poursuites illustrent la volonté du pouvoir en place de rompre avec l’impunité et de restaurer la confiance dans les institutions. Mais elles soulèvent aussi des interrogations sur les équilibres politiques dans un pays encore polarisé par les séquelles du précédent régime.
La commission d’instruction poursuit son enquête. Elle devra déterminer si Mansour Faye sera définitivement renvoyé devant la Haute Cour pour y être jugé, ou si les charges seront abandonnées. En attendant, sa cellule à Rebeuss marque un tournant dramatique dans la trajectoire d’un homme longtemps au cœur du pouvoir, devenu aujourd’hui l’un des symboles d’une époque que le Sénégal cherche désormais à solder.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️