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Rwanda| « Ils m’ont jeté dans l’eau et battu » La nécessité de rendre des comptes pour la torture au Rwanda .

Par Afrik-Inform
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C’est l’intitulé de la seconde partie rapport rendu public par l’ONG Human Rights Watch sur les crimes odieux perpétrés sur les détenus dans les prisons Rwandaises. L’ONG raconte ici l’histoire triste de « Yordani »,un ex détenu victime de ces abus.

« Ils m’ont jeté dans l’eau et battu. Quand vous êtes mouillé, vous sentez encore plus fortement la douleur des [coups de] bâtons … Le directeur adjoint avait un bâton et un câble électrique… C’est lui qui m’a frappé », a raconté à Human Rights Watch un ancien détenu de la prison de Rubavu en juillet 2024. Le directeur adjoint de la prison auquel il fait référence a été acquitté des chefs d’inculpation de meurtre, torture et coups et blessures volontaires à l’issue d’un procès historique de fonctionnaires pénitentiaires et de prisonniers qui s’est achevé plus tôt cette même année.

Le Front patriotique rwandais (FPR), au pouvoir depuis le génocide de 1994, a longtemps permis à la torture et aux mauvais traitements d’être infligés aux détenus, qu’ils soient enfermés dans des centres de détention officiels ou non officiels dans le pays. Le 5 avril 2024, la Haute Cour de Rubavu, dans la province de l’Ouest du pays, a reconnu Innocent Kayumba, ancien directeur des prisons de Rubavu et de Nyarugenge, coupable de l’agression et du meurtre d’un détenu à la prison de Rubavu en 2019 et l’a condamné à une peine de 15 ans d’emprisonnement et une amende de 5 millions de francs rwandais (3 675 dollars US). Deux autres agents du Service Correctionnel du Rwanda (RCS) et sept prisonniers, accusés d’avoir agi sur instruction, ont été reconnus coupables d’avoir battu et tué des prisonniers. Trois autres responsables du RCS, dont l’ancien directeur de la prison de Rubavu Ephrem Gahungu et le directeur adjoint Augustin Uwayezu, ont été acquittés. Les recherches de Human Rights Watch indiquent que les atteintes graves aux droits humains, y compris la torture, sont monnaie courante dans de nombreux centres de détention du Rwanda et, à la connaissance de Human Rights Watch, Innocent Kayumba est le seul haut cadre pénitentiaire à avoir été reconnu pénalement responsable d’abus dans des lieux de détention au Rwanda.

Le cas d’Innocent Kayumba, comme le montre ce rapport, souligne les manquements graves non seulement au sein des services correctionnels du Rwanda, mais aussi au sein du système judiciaire et de l’institution nationale de protection des droits humains. Ces institutions n’ont pas mené d’enquêtes ni répondu aux allégations crédibles et répétées de torture avancées par des détenus ou d’anciens détenus depuis au moins 2017.

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S’appuyant sur des recherches réalisées en suivant des procès et via des entretiens avec d’anciens détenus entre 2019 et 2024, ce rapport documente la torture et d’autres mauvais traitements subis par des personnes en détention, que ce soit dans des prisons ou dans des centres de détention non officiels. Certains des abus ont été commis par d’autres détenus, qui ont affirmé au cours du procès qu’ils avaient été contraints d’y participer.

Lors de leurs procès, plusieurs accusés, dont des membres de l’opposition, ont déclaré aux juges que les aveux présumés avaient été obtenus sous la torture lors d’interrogatoires dans un centre de détention non officiel connu sous le nom de Kwa Gacinya, un bâtiment situé dans le quartier de Gikondo à Kigali. Les juges n’ont que rarement, voire jamais, ordonné l’ouverture d’enquêtes sur ces allégations de torture.

Bien que le procès d’Innocent Kayumba et d’autres personnes constitue une étape importante pour briser l’impunité quasi totale en matière de torture au Rwanda, il n’a rendu qu’une justice partielle. Par exemple, les fonctionnaires ont été reconnus coupables de coups et blessures volontaires et de meurtre, mais acquittés du chef d’inculpation de torture qui, en vertu de la loi rwandaise, est passible d’une peine plus lourde allant de 20 ans d’emprisonnement à la perpétuité pour les agents officiels qui commettent des actes de torture dans l’exercice de leurs fonctions. En outre, plusieurs hauts responsables pénitentiaires ont été totalement acquittés par le collège de juges malgré les preuves apparemment accablantes à leur encontre, d’après les entretiens de Human Rights Watch avec d’anciens détenus. Les prisonniers ayant reçu l’ordre de battre leurs codétenus ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 25 ans d’emprisonnement, tandis que les fonctionnaires ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement, alors qu’ils avaient la responsabilité de prévenir les abus et de préserver le bien-être des détenus.

La mutation d’Innocent Kayumba de la prison de Rubavu à celle Nyarugenge en 2019 lui a permis de mettre en place des pratiques abusives, et parfois mortelles, dans cet établissement, comme il l’avait fait dans le premier. L’absence de poursuites contre tout autre haut cadre pénitentiaire impliqué dans ces abus est d’autant plus remarquable. Le fait que le système judiciaire et le RCS n’aient pas ordonné d’enquêtes sur les allégations de torture portées devant le tribunal par les accusés a renforcé l’impunité.

La Commission nationale des droits de la personne du Rwanda (CNDP), qui fait office de mécanisme national de prévention de la torture, chargée de surveiller la mise en œuvre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT), n’est pas indépendante et n’a pas eu la capacité ou la volonté de signaler les cas de torture. Cette Commission a régulièrement déclaré qu’aucun cas de torture et de mauvais traitements n’a été observé en détention.

Les autorités restreignent également de façon régulière le travail d’autres institutions ayant pour mandat de surveiller les conditions de détention et de prévenir la torture. Au niveau international, le gouvernement rwandais a empêché les Nations Unies et d’autres institutions de mener de manière indépendante leur travail de surveillance essentiel.

En mai 2024, Human Rights Watch a proposé de rencontrer le ministre de la Justice afin de lui exposer les conclusions préliminaires de ces recherches et d’obtenir plus d’informations sur les efforts déployés par le gouvernement rwandais pour aborder le problème de la torture dans le pays, mais sa chercheuse senior s’est vu refuser l’entrée sur le territoire rwandais lors de son arrivée à l’aéroport international de Kigali.

Le Rwanda devrait respecter les dispositions de sa propre constitution et s’acquitter de ses obligations en vertu du droit international relatif aux droits humains – en particulier l’interdiction absolue de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants – en veillant à répondre systématiquement aux allégations de torture et de détention illégale. Il est important que le gouvernement rwandais intensifie ses efforts pour que tous les responsables de torture, notamment ceux impliqués dans des actes de torture sur des détenus, soient amenés à rendre des comptes. Le gouvernement devrait mener une enquête approfondie sur la torture dans les prisons rwandaises. Pour crédibiliser l’enquête, il devrait demander l’assistance des experts de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et des Nations Unies sur la torture et les conditions de détention et devrait présenter publiquement ses conclusions. Enfin, le gouvernement rwandais devrait coopérer avec le Comité des Nations Unies contre la torture et soumettre son rapport d’État partie, ainsi que permettre au Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de reprendre sans entrave ses visites des établissements de détention.

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