Longtemps maître dâÅuvre de la stratégie de renseignement militaire au Cameroun, le colonel Bamkoui a quitté la scène ( retraite ) après plus de trente ans de service laissant son bureau au Colonel Melingui Nkolo. Portrait dâun homme dâinfluence, entre silence, pouvoir et controverse.
Redouté par les ennemis de lâÃtat, respecté par ses pairs, contesté par les militants des droits de lâhomme, le colonel Joël Ãmile Bamkoui a incarné pendant plus dâune décennie lââme discrète mais omniprésente du renseignement militaire camerounais. Son départ à la retraite nâa pas seulement mis fin à une carrière, mais à un style, une doctrine et un certain rapport au pouvoir.
De Bafia, sa ville natale, aux cercles les plus fermés du ministère de la Défense, Joël Ãmile Bamkoui sâest imposé comme une figure cardinale du système sécuritaire camerounais. Le colonel, stratège discret mais omniscient, aura traversé trois décennies de mutations politiques, de crises sécuritaires et de tensions internes, en gardant une constance : protéger lâÃtat, coûte que coûte.
Le parcours dâun loyaliste
Né le 2 avril 1965, Joël Ãmile Bamkoui intègre très jeune lâÃcole Militaire Interarmées (EMIA), dâoù il sort officier en 1992. La promotion « Ouverture » à laquelle il appartient sera marquée par plusieurs futurs hauts gradés. Dès ses premiers postes, à Nkongsamba notamment, il montre un profil atypique : à la fois militaire de terrain et homme de réflexion, capable de conjuguer action et analyse.
Il gravit les échelons au fil des affectations : Mifi, Douala, Bafoussam⦠Les régions où il est déployé sont toujours à haute intensité sécuritaire, et il y développe des techniques de commandement fondées sur la dissuasion, lâanticipation et lâenracinement.
à la tête du Groupement de Gendarmerie du Wouri en 2009, il prend la mesure de la complexité urbaine dans la capitale économique : insécurité, trafic dâinfluence, montée des réseaux criminels⦠Bamkoui adopte un style sans détour, et son nom commence à circuler dans les sphères de décision, jusquâau palais dâEtoudi.
Lâhomme des dossiers sensibles
Câest véritablement en 2016 que le colonel Bamkoui entre dans la lumière institutionnelle : il est nommé à la tête de la Division de la Sécurité Militaire (SEMIL), service nerveux du ministère de la Défense. Là , il ne commande plus seulement des hommes en uniforme, mais des réseaux, des flux dâinformation, des capteurs humains disséminés sur lâensemble du territoire.
Son bureau devient le passage obligé des affaires complexes : dossiers dâespionnage, affaires internes, menaces terroristes, activisme séparatiste.Au sein du gouvernement, certains le décrivent comme un « mur dâanalyse », capable de recouper des dizaines de sources et de détecter des déstabilisations bien avant quâelles ne prennent corps.
Mais cette efficacité a un prix : sur le terrain, des militants accusent ses unités dâexcès, de pressions, voire de tortures. Le colonel, lui, garde le silence. Jamais une sortie médiatique. Jamais un mot de trop.
Un intellectuel dans lâuniforme
Loin de lâimage du militaire purement opérationnel, Bamkoui se distingue aussi comme un esprit critique du système quâil protège. à travers plusieurs ouvrages publiés notamment « La corruption en Afrique subsaharienne : enjeux géopolitiques et sécuritaires dâune économie transnationale », il propose une grille de lecture du lien entre criminalité économique et instabilité politique. Son écriture est dense, parfois technique, mais toujours nourrie par lâexpérience de terrain.
En tant quâenseignant associé au Centre de Recherche Stratégie-Défense de lâUniversité de Yaoundé II, il a contribué à former toute une génération dâofficiers, les invitant à penser la guerre non plus comme une simple confrontation armée, mais comme un rapport complexe de forces, de perceptions, dâintérêts transnationaux.
Une retraite, une ère qui se clôt
Alors quâil était pressenti pour la retraite en 2023, Joël Ãmile Bamkoui bénéficie dâune prolongation exceptionnelle de service, signe de lâimportance stratégique quâil conserve au sein du dispositif sécuritaire.
Il quitte finalement ses fonctions en avril 2025, dans un silence presque cérémonial, fidèle à son style.Ce départ suscite à la fois du soulagement chez certains acteurs de la société civile, et de la nostalgie dans les rangs de la défense.
Pour beaucoup, son absence laisse un vide difficile à combler. Car au-delà de la fonction, câest une certaine lecture du pouvoir, de la souveraineté, et de la sécurité nationale qui sâen va avec lui.
La rédaction dâafrik inform âï¸
Laisser une réponse