À quelques mois du scrutin présidentiel au Cameroun, le Social Democratic Front (SDF) semble avoir pris une longueur d’avance sur le terrain. Sous l’impulsion de son président national, Joshua Osih, le parti multiplie les déplacements, les rassemblements, les installations de cellules locales et les dialogues communautaires. Des actes en apparence anodins, mais qui, mis bout à bout, traduisent une réalité politique : le SDF est déjà en campagne.
De Loum à Kribi, de Maroua à Pitoa, en passant par Koza, Magba ou encore Kaélé, le SDF trace une diagonale nationale qui ne laisse plus place au doute. Ce qui, pour d’autres formations, ressemble encore à une longue veille électorale, a déjà pris, chez les sociaux-démocrates, les allures d’un véritable déploiement stratégique.
Joshua Osih, entouré de ses lieutenants régionaux, sillonne les localités dans un rythme soutenu, engageant les communautés, ravivant les mémoires historiques, et surtout, réveillant les consciences citoyennes.
Une tournée qui ne dit pas son nom
Officiellement, il s’agit de célébrations d’anniversaire, de visites de proximité, de cérémonies d’installation, ou encore de campagnes d’inscription sur les listes électorales. Mais à bien lire entre les lignes, chaque étape de ce marathon territorial porte l’empreinte d’un discours de mobilisation électorale.
Lors de son escale à Magba, dans la division du Noun, Joshua Osih a été accueilli par une foule de partisans galvanisés, portés par un discours résolument tourné vers « l’avenir d’un Cameroun plus juste et solidaire ». À Loum, même ferveur. Les images parlent d’elles-mêmes : banderoles, chants de ralliement, cohorte de militants et vibrante promesse d’un renouveau.
Et à Kribi, le 30 mai, la cible est plus explicite : le parti lance une campagne d’inscription sur les listes électorales, appelant les citoyens à « faire entendre leur voix » pour « participer activement à notre démocratie ». Un message limpide. Le SDF ne veut pas seulement exister dans l’opinion : il veut peser dans les urnes.
Une stratégie d’ancrage territorial
Ce déploiement tous azimuts répond à une logique politique claire : resserrer l’ancrage local du parti et réactiver ses structures de base, parfois affaiblies par les années d’opposition solitaire et les deuils internes, comme celui de John Fru Ndi.
En installant une nouvelle exécution de circonscription électorale à Idinau, dans le Fako, le SDF envoie un message fort : la reconquête commence par le terrain. Chaque localité visitée devient une zone stratégique à raviver, un bastion potentiel à réactiver, une voix à conquérir.
Mais cette reconquête ne s’opère pas seulement à travers des discours politiques. Elle passe aussi par des gestes symboliques forts : à l’Ouest, Joshua Osih et son équipe se sont inclinés sur la tombe d’Ernest Ouandié, figure emblématique de la résistance. Un hommage qui inscrit la campagne du SDF dans une filiation historique du combat pour la justice et la liberté.
Un discours multisectoriel et inclusif
Autre constante de cette tournée : l’attention accordée aux groupes sociaux marginalisés ou confrontés à des situations de précarité. À Koza, dans l’Extrême-Nord, le président du SDF a rencontré une communauté éprouvée par l’insécurité provoquée par Boko Haram.
Écoute, empathie, partage de vision : la démarche est celle d’un leader qui veut incarner l’espoir dans les périphéries. À Maroua, le même accent est mis sur la jeunesse, perçue comme actrice incontournable de la transformation politique.
Et à Pitoa, jour de la Tabaski, Osih célèbre la fête musulmane avec la population locale, conjuguant la politique avec le vivre-ensemble, dans un pays souvent fragmenté par les clivages identitaires.
Rencontres institutionnelles et dialogue religieux
Dans ce ballet politique, le SDF ne néglige pas les canaux d’influence. La rencontre entre Joshua Osih et Mgr Barthélémy Yaouda, évêque de Yagoua, révèle une volonté d’ouvrir un dialogue avec les autorités spirituelles du pays, afin d’asseoir une légitimité morale et de fédérer autour d’un projet de société transversal.
Vers un tournant pour l’opposition camerounaise ?
Dans un paysage politique où l’opposition peine souvent à s’illustrer hors des communiqués et des plateaux de télévision, le SDF fait le choix du terrain. Et ce choix semble déjà porter ses fruits en termes de visibilité, de réengagement des bases et de clarification du leadership.
Joshua Osih ne fait plus mystère de ses ambitions présidentielles. Mais plutôt que de lancer une déclaration formelle de candidature, il pose pierre après pierre les fondations d’un projet présidentiel, en prenant le temps de réinvestir les espaces oubliés, de rebâtir un lien de confiance, et surtout de se réconcilier avec les espoirs trahis de l’électorat SDF.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️