Le 29 mai prochain, à Abidjan, les regards du continent se tourneront vers les Assemblées annuelles de la Banque Africaine de Développement, théâtre du vote qui désignera son futur président. Dans un contexte de ralentissement global et de pressions budgétaires accrues, les orientations que prendra l’institution pèseront lourd sur la trajectoire de l’Afrique pour la décennie à venir.
Face aux enjeux, cinq figures aux expériences complémentaires du secteur bancaire à la haute administration en passant par les organisations multilatérales portent chacune une vision stratégique singulière.
Sidi Ould Tah : L’accès aux financements comme levier de transformation
Le Mauritanien Sidi Ould Tah mise sur une refonte profonde de l’architecture de financement sur le continent. Son ambition : démocratiser l’accès à des ressources abordables pour les États, en bâtissant des synergies avec les banques régionales, le privé et les bailleurs internationaux.
Il veut faire de chaque dollar mobilisé un catalyseur de dizaines d’autres en investissements productifs.Son plan repose aussi sur la structuration du capital humain, en particulier les jeunes, au cœur d’une croissance inclusive.

Loin d’un simple discours, il propose des mécanismes concrets pour intégrer le secteur informel à l’économie formelle, grâce à des incitations ciblées et à des outils numériques. Enfin, sa stratégie d’infrastructures s’inscrit dans une logique de résilience climatique et de transformation locale des ressources, rompant avec la dépendance aux exportations brutes.
Amadou Hott : Repenser le développement à partir des ressources africaines
Ancien ministre sénégalais de l’Économie, Amadou Hott défend un véritable changement de paradigme. Il appelle à abandonner la logique de dépendance externe au profit d’un écosystème endogène de financement, fondé sur les fonds africains disponibles. Pour lui, les ressources existent déjà : il faut les structurer et les déployer intelligemment.
Sa vision repose sur deux piliers : moderniser les outils de gouvernance économique et accélérer l’intégration régionale. Il promeut notamment l’adoption de technologies disruptives pour fluidifier les échanges commerciaux et finaliser la Zlecaf numérique.

Son objectif est clair : une Afrique industrielle et connectée, souveraine dans ses choix de développement.
Abbas Mahamat Tolli : Nourrir l’Afrique, électrifier l’avenir
Le Tchadien Abbas Tolli fait de l’autonomie agricole un enjeu de sécurité stratégique. Il s’attaque au paradoxe d’un continent riche en terres mais ultra-dépendant des importations alimentaires. Son plan prévoit un investissement massif dans l’agriculture, appuyé par des formations, des infrastructures logistiques et des incitations à la transformation locale.

Mais Tolli ne s’arrête pas là. Il veut aussi faire sauter le verrou énergétique, qui freine l’industrialisation du continent, en misant sur des projets structurants et des énergies renouvelables. Son parcours à la tête de la BEAC, où il a modernisé la gestion budgétaire et monétaire de la CEMAC, lui confère une crédibilité particulière pour repenser la souveraineté financière africaine.
Samuel Maimbo : L’emploi comme moteur de la relance
Avec un regard tourné vers l’humain, le Zambien Samuel Munzele Maimbo ancre sa stratégie dans la création d’emplois massifs et durables. Il veut repositionner la BAD en facilitateur du développement privé, en soutenant les PME, les start-ups, et les industries à fort potentiel.

Il plaide pour une Zlecaf opérationnelle, adossée à des infrastructures intelligentes et à un cadre de gouvernance favorable à l’innovation. Le développement énergétique, l’agriculture mécanisée et les services numériques sont au cœur de son programme, avec un objectif : faire de l’Afrique une terre d’opportunités pour sa jeunesse.
Swazi Tshabalala : Consolider les acquis pour franchir un nouveau cap
Seule femme en lice, la Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala incarne la stabilité et l’expertise. Ayant occupé des fonctions de premier plan au sein de la BAD, elle souhaite consolider les réformes entamées tout en élargissant leur impact. Pour elle, il ne s’agit pas de tout changer, mais d’aller plus loin, plus vite, avec efficacité.

Sa feuille de route repose sur trois axes : infrastructures interconnectées, inclusion économique accrue, et innovation comme outil transversal. Elle prône une BAD plus agile, plus proactive, capable de parler à la fois aux États, au secteur privé et aux populations.
Un scrutin décisif pour l’avenir institutionnel du continent
Au-delà d’un simple changement de leadership, cette élection incarne un moment charnière dans l’histoire de la Banque africaine de développement. Elle engage l’institution dans une reconfiguration stratégique de son rôle, à l’heure où les États africains réclament des réponses audacieuses face aux chocs climatiques, aux vulnérabilités économiques et aux aspirations d’une jeunesse en quête d’avenir.
À travers ce scrutin, c’est le cap de la prochaine décennie qui se dessine : celui d’une BAD plus souveraine, plus agile, et plus enracinée dans les ambitions collectives du continent. Le 29 mai, l’Afrique ne choisira pas seulement un président , elle choisira une trajectoire.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️