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Cameroun| 81 visages pour une seule fonction : la présidentielle 2025 au prisme du trop-plein.

C’est un chiffre qui suscite à la fois étonnement, amusement et réflexion : 81 dossiers ont été déposés auprès d’ELECAM pour la présidentielle d’octobre 2025. Une première dans l’histoire du Cameroun. Si cette dynamique témoigne d’un certain appétit démocratique, elle interroge, dans le même élan, la perception et la portée de l’élection présidentielle au sein de la société camerounaise.

Une élection, mille visages

La présidentielle est, dans l’architecture républicaine, l’élection suprême, celle qui engage l’avenir d’un peuple, qui incarne la stabilité des institutions et cristallise les aspirations collectives. Elle devrait être un moment de gravité, de responsabilité, de hauteur.Et pourtant, le Cameroun enregistre cette année un chiffre inédit : 81 candidatures déclarées à la clôture des dépôts, le 21 juillet 2025 à 23h59.

Parmi elles, 43 candidatures indépendantes (53 %) et 38 investitures issues des partis politiques (47 %). Ce pluralisme assumé, en apparence fécond, interroge en profondeur le sens de l’engagement politique et la manière dont le pouvoir est perçu dans notre société.

Pour certains, la candidature présidentielle est un projet politique structuré. Pour d’autres, elle devient un acte de revendication personnelle, une manière d’exister, de protester, ou de poser un jalon dans le paysage public. L’élection suprême se transforme alors en refuge symbolique, où chacun projette ses espoirs, ses blessures, ses ambitions.

C’est ainsi que l’on voit émerger des candidatures inattendues, portées parfois par des figures peu connues, et sans ressources ni programme visibles. Dans cette effervescence, la frontière entre conviction et improvisation s’amenuise, au risque d’affaiblir la clarté du processus électoral.

Mais faut-il s’en offusquer ? Peut-être pas. Car le droit de se porter candidat reste l’un des plus nobles acquis du pluralisme démocratique. Et le Cameroun, en garantissant cette liberté, démontre que le rêve politique reste possible, même en dehors des grandes machines partisanes.

Quand les partis se fragmentent

Autre élément frappant : plusieurs partis politiques alignent plusieurs candidatures, signe d’un certain relâchement des disciplines internes. C’est le cas du RDPC, où aux côtés de Paul Biya, figure historique du parti, apparaît Leon Theiler Onana. Le MANIDEM se partage entre Maurice Kamto et Dieudonné Yebga, pendant que l’UPC compte trois prétendants issus de ses différentes factions : Dominique Yamb Ntimba, Abdouraman Hamadou Baba et Jean Bahebeck. Même le parti UNIVERS aligne deux visages : Akere Muna et Chantal Adélaïde Nembouet.

Ces situations traduisent une réalité profonde : la scène politique camerounaise est traversée par des tensions de représentativité. Le multipartisme, s’il a libéré la parole, peine encore à structurer des cadres d’unité durable. Ce morcellement appelle moins à la critique qu’à une réflexion lucide sur la manière de bâtir des plateformes solides, capables de porter une parole politique unifiée.

ELECAM et le conseil constitutionnel, garant de l’équilibre

Le dépôt des candidatures n’est que la première étape. Il appartient désormais au Conseil électoral d’ELECAM et le conseil constitutionnel de procéder à l’examen de conformité des dossiers, avant la publication, attendue au plus tard le 10 août 2025, de la liste définitive des candidats retenus.

C’est à cette phase que s’exprime la rigueur du processus. Car au-delà du droit à candidater, il y a des exigences légales à respecter : dépôt de la caution de 30 millions, pièces justificatives, parrainages requis… Ce tri, loin d’être une exclusion, est une condition de crédibilité du processus électoral.

Dans cette optique, certains cas ont retenu l’attention. Des candidats, selon les constats relayés par le journaliste Mohamadou Houmfa, se sont présentés sans avoir encore versé la caution. L’un d’eux a même estimé, publiquement, que l’État lui devait son salaire, et qu’il ne pouvait donc pas « ajouter l’argent sur l’argent ». Ces anecdotes, bien que pittoresques, ne doivent pas détourner l’attention du sérieux de l’enjeu.

Une démocratie en mutation

Ce qui se joue à travers cette multiplicité de candidatures, c’est l’expression d’une société en quête de reconnaissance politique, où chacun aspire à être entendu, représenté, voire à influencer, même symboliquement, le débat national.

Ce n’est pas le signe d’un affaiblissement de la démocratie. C’est plutôt le reflet de son chantier permanent. Un chantier où l’on apprend encore à conjuguer liberté d’expression et responsabilité politique, ouverture du jeu électoral et exigence de rigueur.

La présidentielle camerounaise n’a pas perdu son sens. Elle concentre encore les passions, les espoirs et les désirs de changement. Mais elle appelle, plus que jamais, à une réflexion collective sur la manière dont nous construisons notre avenir politique : avec ordre, avec vision, et avec respect pour la haute fonction à laquelle on aspire.

Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️

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