Numéro deux du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) depuis 2017 et militante de la première heure, Jeanne Nsoga a été exclu de la formation d’Issa Tchiroma Bakary au milieu d’un tourbillon politique et polémique. Entre décision d’exclusion et lettre de démission, accusations de tribalisme, prises de position sur les réseaux sociaux et réactions en chaîne, retour sur une rupture qui secoue le parti à moins de deux mois de la présidentielle.
Une rupture annoncée en deux temps : exclusion officielle et démission écrite
Le 11 août 2025, le président national du FSNC, Issa Tchiroma Bakary, signe la décision N° 0003 FSNC/BP/CC/SA. Ce document, rédigé au nom du Bureau politique réuni en conseil de discipline extraordinaire, annonce l’exclusion définitive de Jeanne Nsoga, secrétaire générale du Comité central, « pour faute très grave ».
Moins de vingt-quatre heures plus tard, le 12 août, une lettre datée de Douala vient brouiller la lecture des événements. Dans ce courrier, Jeanne Nsoga prend les devants et annonce sa « démission immédiate » du parti, estimant ne plus pouvoir cheminer aux côtés de son président. Elle reproche à Issa Tchiroma de n’avoir pas « réagi face au cyberharcèlement» qu’elle dit subir de la part de partisans de Maurice Kamto, l’accusant de tribalisme.
Elle affirme que son combat porte sur « la restitution des terres des communautés autochtones jadis accaparées par les miliciens de l’UPC », et déplore que son engagement soit déformé. Après avoir rappelé ses vingt années de militantisme et ses huit années comme secrétaire générale, elle exprime sa gratitude pour la confiance reçue mais déclare que « le doute désormais installé » ne lui permet plus de rester. Elle suggère que de nouvelles alliances du président manifesteraient des « préférences d’une communauté par rapport aux autres », ce qui la pousse à s’écarter.
Des propos polémiques sur les réseaux et la prise de distance d’Issa Tchiroma
En arrière-plan de cette crise, des messages attribués à Jeanne Nsoga circulent sur les réseaux sociaux. Ces publications visent directement Maurice Kamto et la communauté bamiléké, accusant certains de ses partisans d’être des « suprémacistes » cherchant à écraser les communautés opposées à leur vision.
Dans une vidéo en circulation, elle dénonce « une haine viscérale, compulsive et destructrice » envers les autochtones, allant jusqu’à comparer cette situation à « un véritable crime contre l’humanité ». Elle affirme que ceux qui prônent la défense des autochtones sont systématiquement taxés de tribalistes, et prévient : « Il n’y aura pas de conciliation avec ces haineux».
Ces prises de position provoquent une réaction rapide d’Issa Tchiroma. Dans un entretien, il juge ces propos « inacceptables » et assure que ni lui, ni le FSNC, ni son équipe de campagne n’en sont « associés de près ou de loin ». Il rappelle avoir « trois petits-enfants bamiléké et deux du Sud Cameroun », affirmant qu’il lui est « inacceptable » de s’en prendre à ces communautés ou à ses propres descendants.
Le président du FSNC profite de l’occasion pour tendre la main à Maurice Kamto et à Bello Bouba, indiquant vouloir travailler avec eux « dans le cadre d’un programme défini de commun accord ».
Réactions internes et fractures au sein du parti
Le départ de Jeanne Nsoga entraîne rapidement un effet domino. Noah Ekene, coordinateur du FSNC dans l’arrondissement de Yaoundé VI, annonce à son tour sa démission « par solidarité » avec l’ancienne secrétaire générale, dénonçant « une injustice flagrante » et « un manque de reconnaissance envers celle qui a contribué à implanter le parti dans des zones stratégiques ».
Dans l’opinion publique, plusieurs saluent au contraire « une décision courageuse et nécessaire pour préserver l’unité et l’image du parti à la veille d’une élection capitale ». Pour un homme politique interviewé, « la discipline de parole est indispensable dans un parti qui veut gouverner » et les propos de Jeanne Nsoga « mettaient en danger les alliances électorales ». À l’extérieur, certains observateurs, comme le journaliste Benjamin Zébaze estime que « Tchiroma ne s’amuse pas » .
Une affaire symptomatique des fragilités politiques
La controverse autour de Jeanne Nsoga met en lumière les tensions récurrentes dans les partis politiques camerounais lorsqu’il s’agit de concilier cohésion interne et ouverture stratégique. Le FSNC, comme tous les partis politiques cherchent à capitaliser sur la scène nationale en multipliant les alliances, mais cette orientation suscite méfiance et résistance chez certains cadres historiques.
Pour les analystes, l’impact électoral de ce départ se mesurera dans les régions où Jeanne Nsoga avait un fort ancrage, notamment au Centre et au Littoral. Son réseau militant et sa capacité de mobilisation pourraient ” peut-être ” faire défaut à Issa Tchiroma à un moment crucial, à moins que ce dernier ne parvienne à reconfigurer rapidement l’organigramme du parti et à resserrer les rangs mais il a prouvé qu’il ne badine pas avec les questions de ” tribalisme ” notamment en cette période ou le pays est dans une année charnière.
Juriste de formation et militante issue du Centre, Jeanne Nsoga a consacré deux décennies à structurer le FSNC. Appréciée pour sa rigueur et sa combativité, elle s’est imposée comme un visage familier des campagnes électorales, notamment dans les régions anglophones et au Littoral.
Engagée sur les questions foncières et identitaires, elle a souvent suscité des débats passionnés, y compris au sein de son propre camp.Son départ, à la fois brutal et médiatisé, clôt une longue carrière interne et ouvre une page d’incertitude pour un parti déjà confronté à une compétition électorale serrée.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️
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