Présenté comme l’espoir d’un sursaut collectif pour l’alternance démocratique au Cameroun, le Groupe de Douala, créé pour désigner un candidat unique de l’opposition en vue de la présidentielle de 2025, s’est désintégré en quelques jours. Une série de communiqués, de prises de position contradictoires et de désolidarisations en cascade ont mis à nu l’incapacité du groupe à incarner l’unité qu’il prétendait forger.
Un espoir de consensus balayé par les postures individuelles
À peine né, déjà divisé. Fondé dans la perspective de l’élection présidentielle d’octobre 2025, le Groupe de Douala regroupait des figures politiques en quête d’une candidature unique pour affronter le régime du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). À sa tête, Anicet EKANE, flanqué de Cyrille Sam MBAKA, du Pr Aba’a Oyono, entre autres, portait un discours de rigueur et de consensus. Mais la mécanique n’a pas tenu.
Le 31 mai, à Paris, le Pr Aba’a Oyono s’affiche au meeting du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), réaffirmant sa proximité avec Maurice Kamto, figure de proue de l’opposition. Une prise de position jugée hâtive par les siens. Dès le lendemain, Anicet EKANE publie un communiqué sec et sans appel : « le Pr Aba’a Oyono s’auto exclut de la dynamique en cours et ne peut plus être considéré comme membre du Groupe de Douala ».
Sam Mbaka contre-attaque : “Rien de mieux que des affinités”
L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais la crise s’approfondit. Le 2 juin, Cyrille Sam MBAKA prend la parole pour désavouer Ekane. Dans une note sobre, mais ferme, il déclare : « Je me désolidarise du communiqué signé par le Président Anicet EKANE (…) Je reste dans la dynamique de rassemblement que nous avons engagée ensemble ».
Interrogé par Afrik Inform, Sam MBAKA défend la posture d’Aba’a Oyono. « Je ne trouvais pas la peine d’exclure Aba’a Oyono. Il a des affinités avec Maurice Kamto, et il n’y a rien de mieux que d’avoir des affinités pour le bien du groupe », argue-t-il, tranchant avec la radicalité d’Anicet EKANE.
Une déclaration qui signe une fracture idéologique : entre ceux qui pensent la stratégie d’unité comme une alchimie affective et ceux qui la réduisent à une discipline de bloc.
Le dernier clou dans le cercueil
Le 4 juin, le couperet tombe. Anicet EKANE publie un troisième communiqué, plus long, plus politique, plus dur aussi. Il acte non seulement l’exclusion de Cyrille Sam MBAKA mais prononce le retrait temporaire du Groupe de Douala de la scène politique. « Ce retrait permettra une profonde restructuration en vue de fédérer des camarades sérieux, patriotes et pleinement engagés dans la quête de l’intérêt général », écrit-il.
Le ton se veut grave, presque solennel. Mais derrière cette volonté de “restructuration”, beaucoup comme le Dr David Eboutou qui affirme « Pauvre mort-né de Groupe de Douala » y voient un aveu d’échec. L’initiative, qui visait à jouer les médiateurs entre une opposition plurielle et souvent éclatée, s’est elle-même effondrée sur ses contradictions internes.
Un mal chronique de l’opposition camerounaise ?
Le sort du Groupe de Douala vient tristement illustrer le syndrome de la fragmentation permanente qui mine les dynamiques collectives dans l’opposition camerounaise.
Avant lui, plusieurs tentatives de regroupement de l’opposition ont connu un sort similaire. On se souvient de l’Union pour le Changement (1992), éclipsée par la compétition fratricide entre John Fru Ndi et Bello Bouba Maïgari.
Plus récemment, la Coalition pour la Transition Politique au Cameroun (CTPC) ou encore le Mouvement 11 Millions de Citoyens, porté un temps par Cabral Libii, ont également montré leurs limites en matière de cohésion et de structuration durable.
En lieu et place d’un front uni, chaque figure semble enfermée dans ses propres agendas, ses fidélités, voire ses ego.
Alors que les électeurs attendent une vision claire et une stratégie lisible face à un pouvoir en place depuis plus de 40 ans, le Groupe de Douala a offert un triste spectacle de règlement de comptes et de dissensions précoces.
La promesse de consensus s’est transformée en règlement de désaccords. Le rêve d’unité s’est mué en lutte de positionnements. Le Groupe de Douala n’aura finalement été qu’un mirage politique : visible de loin, désagrégé de près.
Afrik inform ☑️