Cameroun| Présidentielle 2025 : Le recours de Maurice Kamto jugée “infondée” par le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a tranché : Maurice Kamto ne sera pas candidat à l’élection présidentielle du 12 octobre prochain. Sa requête a été déclarée « infondée » ce 5 août 2025, au terme d’un délibéré très attendu, sans possibilité de recours.
Dans la salle d’audience comme à l’extérieur, la nouvelle a provoqué une onde de choc. Ce rejet signe l’exclusion d’un acteur majeur de la scène politique camerounaise, arrivé deuxième en 2018 et absent des scrutins de 2020. En toile de fond : des jeux de contournement politique, une stratégie avortée, et une opposition une nouvelle fois déstabilisée.
“Infondée” : un mot qui claque comme une sentence
L’atmosphère était lourde, presque électrique, dans la salle d’audience du Conseil constitutionnel ce mardi après-midi, quand est tombée la phrase fatidique :« Nous rejetons la requête de Maurice Kamto parce qu’elle est infondée », a déclaré d’une voix égale le président Clément Atangana.Aucun recours n’est possible. La décision est définitive.
Dans le camp de l’opposant, c’est la consternation. Une partie du public quitte la salle en silence, d’autres échappent des soupirs ou des mots amers. En dehors du Conseil, les mines sont graves, les conversations tendues, les accusations feutrées.« C’est la politique qui a prévalu et non le droit », lâche Me Hyppolite Meli, l’un des avocats du professeur Kamto, visiblement amer.
Même ton du côté de Sam Mbaka : « Nous sommes choqués. Maurice Kamto est un élément important dans la politique camerounaise. Ce qui s’est passé ici, c’est de la provocation. L’institution qui devait encadrer le processus se débine». Et de lancer un appel solennel : « Il faut que les Camerounais prennent conscience qu’ils sont les maîtres du jeu ».
Retour sur un duel inachevé
La candidature de Maurice Kamto était scrutée avec attention. En 2018, le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) avait secoué l’establishment en se classant deuxième à la présidentielle, derrière Paul Biya.
Il avait ensuite refusé de reconnaître les résultats, arguant d’une victoire volée, et s’était abstenu de participer aux élections législatives et municipales de 2020, dénonçant un système électoral vicié. Ce boycott, censé affirmer une ligne de contestation, a fini par isoler le MRC du jeu politique institutionnel.
En 2025, face à l’évidence de son inéligibilité en tant que président d’un parti non représenté à l’Assemblée nationale ou dans un conseil municipal, Kamto a tenté une nouvelle stratégie.
L’option MANIDEM : un pari risqué plombé par la guerre de légitimité
Le plan B du camp Kamto a émergé dans les dernières semaines précédant la clôture des candidatures. Faute de pouvoir se présenter sous la bannière du MRC, l’ancien ministre a tenté une manœuvre audacieuse : obtenir l’investiture du MANIDEM (Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie), un petit parti panafricaniste dirigé par Anicet Ekané… Du moins, dans les faits.
Sur le papier, le deal semblait scellé. Mais en coulisses, un autre acteur s’est invité dans la bataille : Dieudonné Yebga, qui a lui aussi déposé sa candidature à la présidentielle sous l’étiquette… du même MANIDEM. Hier encore, lors des débats au Conseil constitutionnel, Maurice Kamto a plaidé la régularité de son investiture, rappelant qu’elle émane du président « légalement reconnu » du parti, Anicet Ekané.
À l’inverse, les avocats de Dieudonné Yebga ont contesté cette version, affirmant que Kamto « n’est ni membre du parti, ni investi selon les règles statutaires ».Les deux camps s’accusent mutuellement d’usurpation. Selon l’équipe Kamto, Yebga aurait été exclu du MANIDEM depuis 2018, et n’a plus qualité pour représenter le parti.
Ils dénoncent en outre une « collusion manifeste » avec le ministère de l’Administration territoriale, qualifiant son positionnement de « forfaiture », « imposture » et « déni de démocratie ».Côté Yebga, le ton est tout aussi tranchant : Maurice Kamto serait un intrus, investi de manière « solitaire » et « irrégulière », sans l’aval du Comité national de coordination, qu’ils considèrent comme l’unique instance décisionnelle du MANIDEM.
Ce bras de fer interne a lourdement pesé sur la crédibilité de l’opération. Pris entre règlement statutaire, guerre de présidence et lecture administrative des textes, le Conseil électoral a rejeté la double candidature, et le Conseil constitutionnel a entériné cette décision. Le « ticket Kamto-MANIDEM » n’aura donc jamais pris l’air.
Un vide… et une recomposition à surveiller
L’opposant le plus structuré du paysage politique camerounais est désormais hors course. Pour ses partisans, c’est une décapitation stratégique à deux mois du scrutin. Dans les réseaux sociaux, les conversations se déchaînent. Une partie de l’électorat urbain, jeune et politisé se retrouve déboussolée, orpheline d’un candidat capable de cristalliser les frustrations.
Mais dans les cercles du pouvoir, certains estiment que cette exclusion renforce la cohérence institutionnelle : nul ne peut contourner les règles électorales, aussi influent soit-il. Pour eux, le rejet de la candidature Kamto illustre la rigueur du droit et la stabilité des institutions, face à ce qu’ils considèrent comme une tentative de court-circuitage politique.
La présidentielle d’octobre s’annonce donc sans l’un de ses protagonistes majeurs.Mais l’histoire, elle, ne s’arrête pas là. Le MRC et le Manidem appelleront-t-ils à la contestation populaire ? Au boycott ? Ou à une candidature de substitution ? Et que fera le pouvoir pour gérer l’après-Kamto ? De toutes les façons, Le ministre de l’administration territoriale a déjà tranché le débat : « On ne pleure pas dans la rue mais chez soi , car toute personne qui entravera à l’ordre public sera frappée par la force de la loi ».
Afrik inform ☑️
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