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Cameroun| Présidentielle 2025 : Que vaut encore l’Union des Populations du Cameroun ?

L’UPC, autrefois fer de lance de la lutte pour l’indépendance, se présente à la présidentielle de 2025 avec trois candidats issus de camps opposés. Jean Bahebeck, Dominique Yamb Ntimba et Abdouraman Hamadou Baba briguent chacun la magistrature suprême sous l’étendard d’un parti devenu méconnaissable. Que reste-t-il de l’UPC historique ? Et que signifie encore sa présence, fragmentée, dans le paysage politique camerounais ?

Une légende née dans la douleur

Il fut un temps où le nom de l’UPC évoquait la résistance, la dignité et le sacrifice. Fondé en 1948 par Ruben Um Nyobè, Félix-Roland Moumié, Ernest Ouandié et d’autres figures emblématiques, le parti était le principal moteur de la lutte pour l’indépendance du Cameroun.

Refusant le compromis avec le colonisateur, ses dirigeants choisirent la clandestinité et l’action directe, jusqu’à payer de leur vie le prix de leurs convictions. De cette époque date l’aura mythique de l’UPC : un parti interdit dès 1955, traqué, puis réprimé dans le sang, mais resté dans l’imaginaire national comme le symbole d’un nationalisme sans concession.

Le 13 septembre 1958, Ruben Um Nyobè est abattu par les forces françaises ; en 1960, c’est au tour de Moumié, empoisonné à Genève ; et en 1971, Ernest Ouandié est fusillé à Bafoussam. Trois figures, trois martyrs.

Du parti des martyrs… au parti des conflits

Le retour de l’UPC sur la scène politique se fait dans les années 1990, avec la vague du multipartisme. Mais le parti revient affaibli, rongé par des querelles de leadership, des rivalités d’ego, et des infiltrations présumées. Au fil des décennies, le nom « UPC » est revendiqué par plusieurs factions, chacune s’estimant gardienne de la légitimité historique.

Le Ministère de l’administration Territoriale a dû, à plusieurs reprises, trancher entre les différentes ailes, sans jamais parvenir à unifier la famille upéciste. À mesure que le parti se divise, son impact électoral s’érode. Des figures comme Augustin Frédéric Kodock ou encore Henri Hogbé Nlend tenteront, sans succès, de reconstruire une unité.

Pour la présidentielle d’octobre 2025, l’UPC présente officiellement trois candidats : Jean Bahebeck, Chirurgien, se réclame d’une UPC réformiste et institutionnelle… Investi le 10 avril dernier à l’occasion du 77e anniversaire du parti. Il a été investi par Jean Marie Mback Yem, représentant du comité qui l’a investi.

Dominique Yamb Ntimba, à été investi le 18 mai 2025 au centre culturel Ubuntu en présence de nombreux cadres du parti et presidé par Rose Ndjie She. Il porte le flambeau d’une aile se voulant fidèle à l’idéologie de Ruben Um Nyobè, centrée sur le nationalisme radical et l’indépendance totale.

Abdouraman Hamadou Baba, acteur engagé dans les milieux citoyens, se veut l’incarnation d’un renouveau populaire de l’UPC.

Chacun est soutenu par un clan bien identifié, avec son histoire, ses réseaux, son récit. Aucun d’eux n’a toutefois reçu l’onction consensuelle du parti dans son ensemble, ce qui signifie que l’UPC participera à la présidentielle 2025 en ordre dispersé.

Une tragédie politique silencieuse

Le paradoxe est saisissant : le parti qui a refusé l’indépendance octroyée pour réclamer une souveraineté authentique, celui dont les fondateurs sont devenus des figures nationales, entre dans l’élection présidentielle avec trois voix différentes, voire discordantes.« Nous avons perdu la boussole de l’idéologie », regrette un ancien militant de Douala. « Aujourd’hui, chacun croit détenir l’héritage, mais personne ne le porte vraiment».

Cette fragmentation interroge : que vaut encore l’UPC sur l’échiquier électoral ? En 2018, aucun candidat sous l’étiquette upéciste n’avait atteint 1 % des suffrages. La présidentielle de 2025 risque de confirmer cette marginalisation, sauf surprise.

Une mémoire menacée, un avenir incertain

La division actuelle de l’UPC dépasse le simple cadre électoral. Elle traduit un effacement progressif de la mémoire historique, et une forme de rupture générationnelle. Beaucoup de jeunes Camerounais ignorent aujourd’hui ce que fut ce parti, ce qu’il a représenté, ou pourquoi ses fondateurs sont honorés sur les places publiques.« L’UPC est une famille qui s’est dispersée sans testament », observe un politologue de Yaoundé. « Il reste des photos, des slogans, mais peu de ligne politique cohérente ».

Pour certains, l’éclatement du parti profite aux stratégies de neutralisation politique. Pour d’autres, c’est simplement le reflet d’une époque où les idéologies se vident au profit des carrières individuelles.

Et pourtant, le nom « UPC » continue de résonner. Il reste associé à une histoire, à des valeurs, à des sacrifices. À lui seul, il suffit parfois à réveiller des souvenirs, à susciter une forme de respect instinctif.

Mais la mémoire ne suffit pas à faire une stratégie. Sans unité, sans projet commun, sans leadership rassembleur, l’UPC risque de rester un symbole figé dans les manuels d’histoire, pendant que d’autres formations occupent l’espace politique actif.

À quelques semaines de la publication de la liste définitive des candidats, prévue pour le 10 août 2025, la présence de trois candidatures upécistes dans une même élection présidentielle ressemble davantage à un écho du passé qu’à une promesse d’avenir.

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