Cameroun | Présidentielle du 12 octobre : Maurice Kamto, est-il le faiseur de roi ?

Depuis quelques jours, dans le quartier résidentiel de Santa Barbara, à Yaoundé, le calme feutré des avenues bordées d’arbres et de villas cossues contraste avec l’agitation politique qui s’y déroule en coulisses. C’est là, au cœur d’une enclave où le temps semble ralentir, que Maurice Kamto, recalé de la course présidentielle de 2025, reçoit les candidats désireux d’écouter sa parole et, peut-être, d’en tirer une consigne capable de faire basculer le scrutin. La discrétion est de mise : aucune photo, aucune mise en scène, juste des rencontres dans l’intimité de sa résidence, là où se décidera peut-être l’avenir politique du pays.

Les portes de Santa Barbara s’ouvrent aux prétendants

Jeudi dernier, Bello Bouba Maïgari, président de l’UNDP, franchit le seuil de la villa. Deux collaborateurs l’accompagnent, mais dans le salon baigné de lumière, la hiérarchie politique s’efface. Kamto, sobre et précis, se contente d’indiquer : « J’ai reçu ce jour à mon domicile le Président National de l’UNDP, Monsieur Bello Bouba Maïgari, candidat à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025. Les échanges se sont déroulés dans une atmosphère empreinte de cordialité ». Déclare t’il sur sa page Facebook.

Aucun geste ostentatoire, aucun sourire calculé : tout est mesuré, stratégique, et pourtant lourd de sens. La rencontre n’est pas qu’un simple échange protocolaire ; c’est un test, un calibrage de forces et d’intentions. Selon certains observateurs, cette première rencontre a envoyé un signal clair aux autres prétendants : la villa de Santa Barbara est désormais un point de passage obligé pour ceux qui veulent peser sur le scrutin.

Vendredi dernier, c’est Issa Tchiroma Bakary, président du FSNC, qui franchit les mêmes portes. Là encore, Kamto impose une atmosphère cordiale, mais directe dans son annonce : « Les échanges ont été francs et cordiaux », écrit-il. L’expression peut sembler banale, mais dans le langage du professeur, chaque mot est pesé.

Chez lui, la neutralité apparente se mêle à une subtilité tactique. Les collaborateurs, attentifs, observent. Les candidats savent qu’ils ne viennent pas simplement chercher un mot d’encouragement, mais l’aval moral de celui que beaucoup appellent déjà le “faiseur de roi”.

Puis, dimanche, Akere Muna arrive. Il sort de la résidence quelques heures plus tard avec la conviction d’avoir touché du doigt la centralité de Kamto dans cette présidentielle : « Je lui ai personnellement exposé la position que j’ai publiquement défendue lors de ma conférence de lancement de campagne : l’union de l’opposition est impérative. En tant que non-candidat, il est uniquement placé pour rassembler tous les prétendants. Notre priorité est d’agir ensemble pour soulever le genou du régime de la nuque des 30 millions de Camerounais. Le 12 octobre doit être un référendum pour la sortie de Biya », écrit le candidat du parti Univers sur sa page Facebook.

Cette déclaration n’a fait qu’éveiller un consensus tacite : la parole de Kamto est attendue comme une clé, et « presque » tous les candidats semblent conscients qu’ils naviguent désormais sous son influence invisible. Fidèle Castro, sur Info TV, souligne avec scepticisme : « À l’époque, j’ai cru en Maurice Kamto. Aujourd’hui, on commence à comprendre qu’il n’est pas un espoir politique pour la jeunesse camerounaise». 

Le contraste est saisissant : certains voient en lui le pivot du scrutin, d’autres un symbole dont l’éclat a peut-être perdu de sa substance.

L’influence derrière la discrétion

Recalé d’abord par ELECAM, puis par le Conseil Constitutionnel, Maurice Kamto n’est pas candidat, mais son aura reste intacte. Me Alice Nkom l’exprime sans détours : « Aujourd’hui, il a un courant de sympathie national qui n’est indéniable, c’est à lui de savoir ce qu’il va mettre au service de la démocratie… s’il est un leader, c’est lui le faiseur de roi », a-t-elle affirmé ce matin sur Sacré Matin (Balafon Radio). Les propos de cette figure juridique et politique illustrent la tension qui s’installe : le Cameroun observe non seulement le scrutin, mais aussi l’homme qui pourrait orienter ses résultats sans jamais y figurer officiellement.

Cette influence, Kamto la manie avec prudence. Depuis le début de ces rencontres, aucune photo n’a filtré. D’après Arol Ketch : « Il sait que certains candidats sont capables de prendre une photo avec lui pour faire comme s’il leur apporte son soutien ».  

Espoirs et scepticismes

Dans les cercles de l’opposition, la lecture de ces rencontres varie. Certains voient en Kamto un pivot stratégique capable de fédérer les électeurs de l’opposition et d’accroître les chances de battre le régime en place. Jean Robert Wafo, sur Équinoxe, n’hésite pas à le comparer à une “arme nucléaire” politique : « Maurice Kamto détient l’arme nucléaire avec laquelle le RDPC sera située le 12 octobre 2025… c’est la pièce maîtresse de l’élection présidentielle ». 

D’autres, plus sceptiques, mettent en doute son statut ou sa capacité à transformer son influence en résultats tangibles. Un acteur politique anonyme questionne : « Sous quel statut Maurice Kamto se permet-il de recevoir les candidats de l’opposition ? Est-il encore le leader d’une formation politique ? ». Ces positions contraires nourrissent le suspense autour de l’homme : est t’il puissant mais discret, influent mais non officiel, attendu mais critiqué ?

La centralité d’une décision

Si la présidentielle du 12 octobre devait être un référendum sur le pouvoir en place, Maurice Kamto se retrouve au centre de cette équation. Chaque candidat — peut-être pas tous —, chaque strate électorale, sait qu’une consigne venant de lui pourrait produire un effet domino, surtout dans les bastions où sa popularité reste intacte. L’enjeu est double : Kamto pourrait rassembler les forces de l’opposition ou, à défaut, voir son influence limitée par l’éparpillement des électeurs.

Dans cette perspective, la résidence de Santa Barbara devient plus qu’un simple lieu de rencontre. Elle est un sanctuaire politique, un espace où les équilibres se pèsent, où les alliances se devinent, et où la stratégie prend corps dans le silence des murs. Là, sous le regard invisible du professeur, se joue un scénario dont le pays entier observe les prémices. Chaque visite, chaque échange, chaque mot pesé pourrait faire basculer le destin de la présidentielle.

Le mot de la fin… en attente

À moins d’un mois du scrutin, la présidentielle du 12 octobre 2025 n’a pas encore livré tous ses secrets. Depuis sa villa à Santa Barbara, il pourrait détenir un pouvoir  considérable d’après plusieurs. Les candidats se succèdent et se succéderont, les stratégies s’affinent, et les partisans retiennent leur souffle. La question reste entière : qui bénéficiera du soutien, de la parole ou de la simple caution morale de l’homme que beaucoup considèrent comme le faiseur de roi ?

Dans les rues et dans les arcanes des discussions politiques, chacun attend que ce silence se brise. Le pays pourrait alors découvrir si l’ex-président du MRC choisira de rester simple spectateur, ou de devenir l’artisan d’un nouveau chapitre de son histoire politique.


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