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Cameroun| Vie et mort de Joseph Oyebog : l’homme qui a servi le Cameroun à coups de raquette - Afrik-Inform
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Cameroun| Vie et mort de Joseph Oyebog : l’homme qui a servi le Cameroun à coups de raquette

Cameroun| Vie et mort de Joseph Oyebog : l’homme qui a servi le Cameroun à coups de raquette

Il s’appelait Joseph Oyebog. Un nom qui sonnait comme une balle de service claquant contre le ciment chaud d’un après-midi tropical. Il n’était ni footballeur, ni boxeur , ces héros habituels du récit sportif africain, mais un apôtre de la petite balle jaune. Au Cameroun, où le tennis est un sport rare et souvent réservé aux salons des expatriés, il avait décidé d’en faire une cause populaire.

Son cœur a lâché ce mercredi 28 mai 2025, au terme d’une longue hospitalisation à Douala, alors qu’une évacuation médicale vers l’étranger était en préparation. Mais plus que sa mort, c’est sa vie qui mérite qu’on s’arrête, raquette posée, en silence.

Une jeunesse promise au monde

Né dans les années 1960 à Souza, dans le département du Moungo, Joseph Oyebog grandit à l’ombre des bananiers et au rythme des saisons agricoles. Très tôt, il découvre une fascination étrange pour un sport dont les lignes blanches dessinent des rêves sur le béton : le tennis.

Dans un pays où les terrains sont rares et l’équipement inaccessible, il se forge seul, ramassant les balles avant de pouvoir les frapper. Sa ténacité l’emmène loin. Très loin. Joseph Oyebog est repéré, formé, et propulsé hors des frontières.

Il devient joueur professionnel et parcourt les circuits internationaux. Mais c’est aux États-Unis qu’il pose ses valises de sportif et où il commence à rêver plus grand que son propre destin.

Le rêve devenu centre : Oyebog Tennis Academy

À une époque où la diaspora africaine se construisait à distance de ses racines, Joseph Oyebog décide de rentrer. Pas pour se reposer, mais pour semer. Il fonde en 1999 l’Oyebog Tennis Academy (OTA), sur une vaste étendue de terre non loin de Souza, sa terre natale.

Il ne voulait pas seulement former des joueurs : il voulait former des hommes, des citoyens, des champions du mérite. Dans ce centre qu’il a fait sortir de terre à force de volonté, il offrait aux enfants un accès gratuit au tennis, à l’éducation, à l’hébergement et à l’encadrement.

Des dizaines de jeunes, parfois livrés à eux-mêmes, y ont trouvé une seconde famille. Certains ont même atteint les courts internationaux, grâce à ses contacts, son abnégation, sa vision.

Un patriarche au front têtu

Ceux qui l’ont côtoyé le décrivent comme un homme de caractère : passionné, exigeant, parfois intransigeant. Il ne se contentait pas de rêves. Il construisait des murs, des vestiaires, des pistes, des terrains. L’OTA est devenu un sanctuaire du sport, qui accueillait régulièrement des tournois, des sélections nationales, des visites internationales.

Pour ses enfants du tennis, il n’y avait pas de compromission. Il répétait que « la discipline forge les champions, pas les trophées ». À l’heure où le sport camerounais vacillait souvent sous les conflits d’intérêts et la faiblesse des fédérations, Joseph Oyebog poursuivait son combat, fidèle à son idéal.

Une aura internationale

Figure incontournable du tennis africain, il n’était pas seulement un formateur. Il était un ambassadeur. Membre actif de la Fédération internationale de tennis (ITF), il a plaidé pendant des années pour une meilleure structuration du tennis en Afrique. Il intervenait dans des conférences, rédigeait des mémorandums, participait à des forums sur l’éducation par le sport.

Son engagement lui a valu de nombreuses reconnaissances, aux États-Unis notamment, où sa fondation Oyebog Tennis Foundation levait régulièrement des fonds pour soutenir l’OTA. De nombreuses figures du tennis mondial, sensibles à sa mission, ont apporté leur aide, parfois dans l’anonymat.

Un départ brutal, un vide immense

Sa santé s’est brusquement détériorée en avril 2025. Hospitalisé à Douala, il luttait encore, espérant poursuivre ses projets. Une évacuation sanitaire était en cours d’organisation. Mais il est parti au petit matin, dans la discrétion des grands. Ceux qui l’aimaient espéraient encore un retour, une dernière interview, un dernier match d’entraînement.

Joseph Oyebog laisse un centre, des centaines de jeunes, un modèle. Il laisse surtout un vide. Celui que creuse la disparition d’un homme rare, dans un pays où les bâtisseurs se comptent sur les doigts d’une main.

Dans ce Cameroun souvent somnolent aux ambitions timides, il avait allumé un phare. Oyebog voulait que le tennis devienne une voie de rédemption, un outil d’émancipation.

Il n’était pas un homme parfait – qui l’est ? – mais il a donné sa vie à son combat. Et à l’heure où ses raquettes se taisent, ses courts ne sont pas vides : ils résonnent encore des cris d’enfants, des espoirs levés, et de cette voix qui répétait : « Sers fort. Vise le coin. Et ne baisse jamais les bras. »

Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️

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