La question de la restitution des crânes royaux sakalava à Madagascar se trouve actuellement au centre dâun travail de recherche crucial. Une commission scientifique franco-malgache a été mise en place pour enquêter sur les restes humains issus des collections françaises, dont certains seraient dâune importance symbolique capitale pour les Malgaches.
Avant que la France ne prenne une décision définitive sur cette restitution, un rapport attendu dâici la fin de lâannée 2024 constituera un préalable. Ce geste de retour des reliques humaines pourrait bien marquer un moment historique dans les relations entre les deux nations, avec un impact profond sur la mémoire collective malgache.
Un travail de mémoire minutieux
Câest Klara Boyer-Rossol, historienne et chercheuse française, qui est à lâorigine de ce travail colossal. Depuis 2008, elle sâest lancée dans une quête sans relâche pour retrouver le crâne du roi Toera, un monarque malgache décapité en 1897 lors dâun affrontement avec les troupes coloniales françaises. Son chemin a été pavé de recherches archivistiques, scrutant des documents dispersés dans les collections françaises.
Grâce à la persévérance de Boyer-Rossol, un crâne, probablement celui du roi Toera, a pu être identifié. Toutefois, lâhistorienne rappelle que lâabsence de preuves formelles nâenlève rien à la nécessité de rendre ces restes humains : « Que ce soit le bon ou pas, le fait quâil soit un crâne pris dans un contexte de violences coloniales est suffisant pour quâil soit restitué.» déclare tâelle.
Lâhistoire de ces restes humains est un témoignage du colonialisme brutal. Leur restitution prend tout son sens dans un contexte où ces vestiges ont été pris de manière illégitime, privés de leurs racines et de leur histoire. Un crâne qui revient, câest bien plus quâun simple objet : câest un symbole vivant du passé, une restitution de la dignité et de la mémoire dâun peuple.
Le retour des ancêtres : un acte de réparation
Pour les Malgaches, le retour des crânes royaux revêt une importance culturelle et spirituelle indéniable. Dans la tradition malgache, lââme dâun défunt nâest jamais en paix tant que ses restes nâont pas été réunis avec sa terre dâorigine. Bako Rasoarifetra, historienne et membre de la commission scientifique, souligne la portée de ce geste: « Si ces crânes reviennent, câest une fierté pour toute la population malgache, et pas seulement pour les Sakalava. Parce que câest considéré comme âquelquâun qui revient au paysâ ».
Le crâne du roi Toera, devenu un emblème de résistance contre la colonisation, symbolise la lutte dâun peuple pour son indépendance et son identité.à Madagascar, il existe une croyance forte selon laquelle un individu qui meurt loin de son Tanindrazana, sa « terre des ancêtres », reste incomplet.
Ce retour des crânes serait ainsi perçu comme une restitution non seulement physique mais aussi spirituelle, une réparation nécessaire pour apaiser les esprits et honorer les ancêtres.
Un processus scientifique en cours
Jean-Luc Martinez, ambassadeur de France pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, sâest exprimé sur le processus en cours lors de son passage à Madagascar en décembre 2023. Il a expliqué que grâce à lâeffort collaboratif de la commission scientifique, Madagascar devrait être le premier pays à récupérer ces restes humains.
La loi française de 2023, qui évoque le retour de « dignité humaine » aux restes humains, soutient pleinement ce processus. « La démarche française, câest dâassocier les chercheurs des pays demandeurs », souligne-t-il, précisant que ce travail exige rigueur scientifique et respect des mémoires nationales.En effet, les collections de crânes et autres restes humains malgaches conservées en France ont été séparées de leur histoire.
Identifier chaque pièce est un travail long et complexe, mais il est essentiel pour remettre de lâordre dans ce puzzle. Câest sur la base du rapport scientifique qui sera remis à la fin décembre 2024 que la restitution sera officiellement actée au premier trimestre 2025, après une procédure administrative en France.
Un retour symbolique
Cette initiative est bien plus quâun acte administratif : elle est le fruit dâun travail de mémoire, de réconciliation et de respect envers un peuple. Le retour des crânes royaux sakalava à Madagascar serait un symbole de justice réparatrice, un geste hautement symbolique et attendu depuis longtemps par la population. Le ministère de la Culture français devra bientôt soumettre un décret au Conseil dâÃtat pour finaliser cette restitution.
Il est clair que le retour de ces crânes ne se limitera pas à un simple transfert de reliques. Il sâagit dâun acte de retour à la maison, un retour aux racines, aux ancêtres, à une histoire souvent effacée mais jamais oubliée. Ce processus, même sâil est long et délicat, représente une victoire pour la mémoire collective de Madagascar et un pas vers la réparation des torts du passé.
Constantin GONNANG avec RFI pour Afrik Inform âï¸
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