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Alors que les obsèques du pape François se préparent à Rome, les regards se tournent déjà vers la chapelle Sixtine. C’est là que 135 cardinaux électeurs, cloîtrés à huis clos, s’apprêtent à élire le prochain chef de l’Église catholique.
Un rituel millénaire qui, malgré son apparente solennité, a souvent été traversé par des intrigues, des coups de théâtre, et des épisodes pour le moins rocambolesques. Retour sur quelques conclaves qui ont marqué l’histoire.
Le conclave le plus long : trois hivers pour élire un pape
Nous sommes en 1268. Le trône de Saint Pierre est vacant depuis la mort de Clément IV. Les cardinaux, incapables de s’entendre, se retrouvent bloqués à Viterbe, dans le centre de l’Italie. L’impasse dure deux ans, neuf mois et deux jours.
Excédée, la population locale confisque les clés du Palais pontifical, enferme les cardinaux à double tour, puis, ultime stratagème, fait enlever le toit du bâtiment en plein été 1270, les exposant à la pluie et au vent.
Ce n’est qu’en septembre 1271 qu’un compromis est trouvé avec l’élection de Grégoire X. Ce dernier ne perd pas de temps : en 1274, il institue officiellement la méthode du conclave. Désormais, les cardinaux seront strictement enfermés, isolés du monde, et s’ils tardent à élire, ils seront progressivement rationnés : pain, vin, eau. Une façon bien peu spirituelle de hâter l’inspiration divine.
Le plus court : l’éclair de Pie XII
À l’opposé, en 1939, l’élection du successeur de Pie XI bat des records de rapidité. À peine 20 heures après l’ouverture du conclave, Eugenio Pacelli, alors secrétaire d’État du Vatican, est désigné pape Pie XII.
Son élection, acquise au troisième tour, reflète un rare consensus, dans un contexte international tendu à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Un pape de passage : élu sans être cardinal
L’histoire du conclave de 1261 mérite un détour. Les cardinaux, toujours réunis à Viterbe, peinent à trouver un accord après la mort d’Alexandre IV.
Ils finissent par porter leur choix sur un homme de passage : Jacques Pantaléon, patriarche de Jérusalem. Il n’est même pas cardinal, mais il se trouve là pour plaider la cause des chrétiens en Terre sainte.
Ce fils de savetier, ancien évêque de Verdun, devient pape sous le nom d’Urbain IV. Un cas presque unique dans les annales.
Un pape père de famille
Rodrigo Borgia, élu pape en 1492 sous le nom d’Alexandre VI, incarne un autre genre de scandale. Issu d’une puissante famille espagnole, il accède au trône pontifical à coups de pots-de-vin et de manipulations. Il a reconnu publiquement six enfants, mais on lui en prête jusqu’à huit, issus de plusieurs maîtresses.
Son fils César et sa fille Lucrèce feront couler beaucoup d’encre, entre intrigues de cour, meurtres et ambitions politiques. Loin d’indigner à l’époque, ces pratiques étaient presque monnaie courante dans la haute hiérarchie ecclésiastique de la Renaissance.
Le cognac des cardinaux
En 1878, les conditions du conclave changent sensiblement. Il est désormais autorisé aux cardinaux d’apporter une bouteille de cognac, remède officieux contre le stress, la dépression ou la fatigue. L’autorisation est accordée par le cardinal camerlingue, sous condition d’ordonnance médicale.
Depuis, les anecdotes affluent : en 1958, à la veille de l’élection de Jean XXIII, le cardinal Maurilio Fossati aurait offert un verre de cognac à son ami Angelo Roncalli, futur pape, pour calmer ses nerfs. On raconte aussi que du champagne a discrètement coulé après les résultats de certains conclaves, notamment ceux de 1978.
Fumée blanche… ou grise ?
L’annonce de l’élection d’un pape repose sur une image symbolique : la fumée blanche s’échappant d’une cheminée au-dessus de la chapelle Sixtine. Pourtant, ce signal a parfois semé la confusion. En août 1978, pour l’élection de Jean Paul Ier, la fumée est blanche… mais vue noire à cause du contre-jour.
Deux mois plus tard, lors du conclave suivant, une fumée grisâtre trouble les fidèles rassemblés place Saint-Pierre, et même Radio Vatican annonce par erreur qu’aucun pape n’a été élu. Ce n’est qu’avec l’apparition du nouveau souverain pontife, Karol Wojtyla, que le doute est levé.
En 2005, malgré l’utilisation d’un fumigène blanc, la fumée reste grise à cause de la combustion du papier. Une incertitude qui persiste, malgré les moyens modernes.
Un conclave loin de Rome
En 1800, alors que les troupes napoléoniennes occupent Rome et que Pie VI est mort en exil, le conclave ne peut se tenir au Vatican. Il est donc convoqué à Venise, dans le monastère bénédictin de San Giorgio Maggiore.
Le lieu est précaire, les cardinaux peu nombreux et surveillés. Mais après trois mois, Barnaba Chiaramonti est élu sous le nom de Pie VII. Il affrontera plus tard Napoléon, sera arrêté, exilé, puis libéré. Le seul pape élu hors d’Italie dans ce contexte chaotique.
Empoisonnement présumé au conclave de 1623
Le conclave qui suit la mort de Grégoire XV en 1623 n’échappe pas aux tensions. Des rumeurs circulent selon lesquelles le cardinal Ludovico Ludovisi aurait tenté d’empoisonner un rival, le cardinal Montalto, en glissant une poudre suspecte dans son repas.
L’affaire ne sera jamais prouvée, mais elle illustre le climat délétère de certains conclaves où le pouvoir spirituel se mêle à des ambitions très terrestres. C’est finalement le cardinal Maffeo Barberini qui est élu, devenant Urbain VIII.
Quand le Vatican entre dans l’ère numérique
Le conclave de 2005, qui élit Benoît XVI, marque un tournant technologique. Dans une époque où chaque fuite peut se répandre en quelques secondes, le Vatican met en place des mesures drastiques : brouilleurs de signal, contrôles renforcés, interdiction totale des téléphones et ordinateurs.
Malgré tout, quelques détails finiront par émerger dans la presse, prouvant que même les murs sacrés ne sont pas totalement étanches à l’ère numérique.
Constantin GONNANG avec France 24 pour Afrik inform ☑️