Monde| Sanctions américaines contre des magistrats de la CPI : Dakar s’insurge et défend l’indépendance de la justice internationale

La décision de Washington de sanctionner quatre magistrats de la Cour pénale internationale (CPI), dont le procureur adjoint sénégalais Mame Mandiaye Niang, a provoqué une vive réaction du Sénégal. Dakar dénonce une atteinte grave à l’indépendance de la justice internationale et appelle au retrait immédiat de ces mesures, jugées « injustes et infondées ».

Des sanctions aux motivations politiques assumées

Mercredi, les États-Unis ont annoncé une nouvelle salve de sanctions contre la Cour pénale internationale. Sont visés deux juges — Kimberly Prost (Canada) et Nicolas Guillou (France) — ainsi que deux procureurs adjoints : Nazhat Shameem Khan (Fidji) et Mame Mandiaye Niang (Sénégal).

Ces sanctions consistent en une interdiction d’entrée sur le territoire américain, le gel de leurs éventuels avoirs financiers aux États-Unis et l’interdiction de toute transaction économique avec eux.

Le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a justifié cette décision en accusant les magistrats d’avoir « directement participé aux efforts de la CPI pour enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre des ressortissants des États-Unis ou d’Israël, sans le consentement de ces pays ». Washington reproche notamment à la CPI ses mandats d’arrêt émis contre des responsables israéliens dans le cadre du conflit à Gaza.

Ces nouvelles désignations s’ajoutent aux sanctions déjà imposées par l’administration américaine contre d’autres juges de la CPI, dont le procureur en chef, illustrant une volonté claire de freiner toute tentative de juridiction internationale sur des ressortissants américains ou israéliens.

La réaction ferme de Dakar

Au Palais de la République ( palais présidentiel sénégalais), la réponse ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué publié jeudi, le ministère sénégalais des Affaires étrangères a dit avoir appris « avec étonnement » les sanctions américaines contre quatre magistrats de la CPI, dont l’un des leurs.

Le Sénégal a appelé les États-Unis à « retirer » ces mesures, considérées comme une « grave atteinte au principe de l’indépendance de la Justice ».

« Le Sénégal réaffirme son soutien indéfectible à la CPI dans sa mission au service de la justice pénale internationale », souligne le texte, tout en invitant les autres États parties au Statut de Rome à renforcer leur solidarité afin de garantir que les juges et procureurs de la Cour puissent exercer leurs fonctions « en toute indépendance, sans menaces, ni restrictions ».

De son côté, le Premier ministre Ousmane Sonko a exprimé une condamnation politique forte, dénonçant des « mesures injustes et infondées des États-Unis d’Amérique », dans un message publié sur X.

Une fracture ancienne entre Washington et la CPi

La confrontation entre les États-Unis et la Cour pénale internationale n’est pas nouvelle. Washington n’a jamais ratifié le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, craignant que ses militaires et responsables politiques puissent être poursuivis pour leurs actions à l’étranger.

Sous l’administration Trump, en 2020, des sanctions similaires avaient été décrétées contre l’ancienne procureure générale Fatou Bensouda et d’autres responsables de la CPI. À l’époque, le gouvernement américain avait accusé la Cour de « partialité » pour avoir ouvert une enquête sur les crimes présumés commis par les forces américaines en Afghanistan.

Bien que l’administration Biden ait levé certaines de ces sanctions en 2021, les relations sont restées tendues, notamment sur la question palestinienne et la compétence de la CPI vis-à-vis d’Israël. Les mesures annoncées cette semaine s’inscrivent dans cette continuité de méfiance et de bras de fer diplomatique.

Le soutien africain attendu

L’appel du Sénégal à une mobilisation des pays signataires du Statut de Rome pourrait trouver un écho particulier sur le continent africain. Plusieurs États, souvent critiques par le passé vis-à-vis de la CPI, voient dans cette affaire une opportunité de défendre la Cour face à ce qu’ils considèrent comme une tentative de fragilisation de son autorité.

En se plaçant à l’avant-garde de la défense de l’indépendance judiciaire internationale, Dakar cherche non seulement à protéger son ressortissant, mais aussi à affirmer son rôle de porte-voix africain dans un débat qui dépasse largement ses frontières.

Cette séquence révèle une véritable guerre d’influence : d’un côté, Washington, qui entend préserver sa souveraineté et celle de ses alliés stratégiques, de l’autre, Dakar et les partisans de la CPI, qui plaident pour une justice internationale universelle, indépendante et dégagée de toute pression politique.

Au-delà du sort des quatre magistrats sanctionnés, c’est l’avenir même de la Cour pénale internationale qui se joue dans cette guerre d’influence où le droit et la puissance s’affrontent à armes inégales.

Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️


En savoir plus sur Afrik-Inform

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Afrik inform Afrik inform Afrik-inform Afrikinform Afrikinform
Afrik inform Afrik inform Afrik-inform Afrikinform Afrikinform