Huit mois après sa mise à l’écart des instances de l’Union africaine à la suite du coup d’État contre Ali Bongo Ondimba, le Gabon fait son retour dans le cercle des États membres actifs. L’annonce a été faite le mercredi 30 avril par le Conseil paix et sécurité de l’organisation continentale, qui a salué une transition « globalement réussie » sous la conduite du général Brice Oligui Nguema.
Un retour diplomatique acté après l’élection d’Oligui Nguema
Cette décision intervient deux semaines après la victoire écrasante de Nguema à l’élection présidentielle organisée en avril, au terme d’un processus de transition amorcé en août 2023. À travers un communiqué diffusé sur X (ex-Twitter), l’Union africaine a indiqué avoir levé « immédiatement » les sanctions qui frappaient le pays, confirmant ainsi son retour sur la scène diplomatique africaine.
Suspendu dès les premières heures du coup de force militaire, le Gabon s’était vu interdire toute participation aux activités de l’organisation, y compris au scrutin pour la présidence de la Commission de l’UA en février 2025. Une mise à l’écart qui avait suscité un isolement relatif du pays, malgré des signaux d’ouverture envoyés par les nouvelles autorités à leurs partenaires africains et internationaux.
Une transition politique marquée par une réforme constitutionnelle
Le général Brice Oligui Nguema, ancien commandant de la Garde républicaine et proche de l’ancien président Ali Bongo, avait justifié la prise de pouvoir par la nécessité de « restaurer les institutions et rétablir la souveraineté populaire ».
Dès son investiture comme président de la transition, il avait multiplié les consultations politiques et promu une réforme constitutionnelle visant à réorganiser l’appareil d’État. Adoptée par référendum en mars, la nouvelle Constitution supprime le poste de Premier ministre et introduit une vice-présidence, tout en élargissant les pouvoirs du chef de l’État.
Elle instaure également un mandat présidentiel renouvelable une seule fois, une rupture notable avec le système précédent. C’est dans ce nouveau cadre que Brice Oligui Nguema a été élu avec 94,85 % des suffrages, un score écrasant qui, toutefois, soulève encore des réserves au sein de l’opposition et de certaines ONG sur les conditions de transparence du scrutin.
Une trajectoire singulière parmi les régimes militaires africains
Le retour du Gabon dans le giron de l’Union africaine intervient alors que d’autres pays sous régimes militaires, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, sont toujours suspendus ou en rupture avec l’organisation.
À ce titre, la trajectoire du Gabon est perçue comme un test pour la capacité de l’UA à réintégrer progressivement des États en transition sans compromettre ses principes démocratiques.Cependant, la trajectoire du Gabon se distingue par son approche modérée et son discours d’ouverture vis-à-vis des institutions internationales.
Contrairement à Bamako, Ouagadougou ou Niamey, qui ont multiplié les bras de fer avec l’UA, la CEDEAO ou même la France, Libreville a opté pour une stratégie de dialogue et de respect formel des engagements de transition. Brice Oligui Nguema a rapidement annoncé une feuille de route, organisé des assises nationales, engagé des réformes institutionnelles, puis organisé une élection présidentielle dans les délais annoncés.
Cette attitude a favorisé un climat de confiance avec l’UA, qui semble avoir perçu une volonté de rétablir une forme de légitimité constitutionnelle et d’éviter une transition militaire à rallonge. Le Gabon devient ainsi le premier pays à avoir connu un putsch récent, puis à être réintégré aussi rapidement au sein de l’organisation, là où d’autres transitions peinent à se stabiliser ou s’enlisent dans des logiques de rupture prolongée avec les institutions régionales.
Certains analystes y voient un précédent qui pourrait inspirer les autres juntes militaires en quête de réhabilitation. D’autres, plus critiques, estiment que cette réintégration rapide pourrait affaiblir la crédibilité de l’Union africaine, en laissant entendre qu’une normalisation politique est possible même sans garanties solides en matière de démocratie ou de pluralisme.
Dans tous les cas, l’expérience gabonaise est aujourd’hui observée de près : elle pose la question cruciale de l’équilibre entre pragmatisme diplomatique et rigueur institutionnelle dans la gestion des transitions post-coup d’État sur le continent.
Afrik inform ☑️