Depuis le début de l’année 2025, le gouvernement camerounais multiplie les ventes promotionnelles de riz à travers le pays. Ces initiatives, officiellement présentées comme des mesures pour alléger le fardeau du coût de la vie, suscitent néanmoins des interrogations au sein de l’opinion publique.
Pour certains observateurs, cette campagne pourrait avoir des implications politiques plus larges, à quelques mois de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025.
Une action sociale saluée
À Douala, Yaoundé et dans plusieurs autres grands sites du pays, des files interminables de citoyens se forment devant les points de vente. Des sacs de riz de 50 kg, proposés à des prix records de 15 000 FCFA, attirent des milliers de ménages qui peinent à joindre les deux bouts face à l’inflation galopante.
« C’est une véritable bouffée d’air frais pour nous. Cela fait longtemps que nous n’avons pas vu des prix aussi bas. Si le gouvernement peut continuer dans cette direction, ce serait une grande aide pour les familles modestes », confie Jeanne, mère de trois enfants rencontrée au boulevard du 20 mai à Yaoundé.
Le ministère du Commerce a défendu ces opérations comme une réponse concrète aux difficultés des populations. « Cette campagne s’inscrit dans le cadre des mesures prises par le gouvernement pour garantir l’accès des Camerounais aux denrées essentielles », a déclaré Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce.
Un arrière-goût politique ?
Cependant, plusieurs voix s’élèvent pour souligner que cette campagne massive de riz subventionné intervient à un moment politiquement stratégique.
Alors que le Cameroun se prépare à une élection présidentielle, certains observateurs estiment que ces ventes pourraient être une manière subtile pour le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le parti au pouvoir, de renforcer son assise populaire.
Pour un politologue basé à Douala, « il ne fait aucun doute que cette opération a un arrière-goût politique. Dans un pays où les ressources alimentaires sont souvent utilisées comme outils de mobilisation, il est difficile de ne pas y voir une stratégie pré-électorale ».
Cette analyse est partagée par certains partis d’opposition, qui dénoncent une instrumentalisation des ressources de l’État à des fins politiques. Un membre de l’opposition, sous couvert d’anonymat, accuse : « Le RDPC veut s’acheter la faveur populaire avec du riz. C’est une vieille recette électorale déguisée en générosité ».
Des précédents historiques
Le Cameroun n’en est pas à sa première campagne d’aides alimentaires en période sensible. En 2011, des initiatives similaires avaient précédé l’élection présidentielle, suscitant également des critiques.
Cette année-là, Paul Biya avait remporté le scrutin avec un score écrasant, renforçant les soupçons sur l’usage de l’aide publique comme outil de séduction électorale. Le contexte actuel est marqué par des défis économiques et sociaux importants, notamment une inflation persistante et une montée des tensions sociales.
Le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, n’a pas encore annoncé s’il briguera un nouveau mandat. Mais pour le RDPC, maintenir le soutien populaire sera crucial.
Les ventes promotionnelles de riz, bien qu’officiellement justifiées par des considérations sociales, s’inscrivent donc dans un paysage politique chargé. La question reste de savoir si les Camerounais verront en cette initiative une preuve de solidarité ou une simple manœuvre électorale.
Des réactions mitigées
Pour l’heure, les bénéficiaires semblent peu enclins à se laisser entraîner dans des débats politiques. « Nous avons faim, et c’est tout ce qui compte. Que ce soit politique ou pas, nous avons besoin de ce riz », affirme un habitant de Yaoundé.
Reste à voir si cette vaste campagne aura un impact durable sur les ménages camerounais ou si elle s’effacera après les élections. Ce qui est certain, c’est qu’à quelques mois du scrutin, le riz est devenu plus qu’une denrée alimentaire mais un enjeu politique de taille.
Par la rédaction. ☑️