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Cameroun | Suspension des lignes budgétaires 65 et 94 : Une victoire posthume pour Martinez Zogo ?

Le président Paul Biya a ordonné la suppression des lignes budgétaires 65 et 94 à compter de l’exercice 2026. Un tournant majeur dans la gestion des finances publiques camerounaises, qui résonne comme un écho tardif aux combats du journaliste Martinez Zogo, assassiné en janvier 2023.

Un système budgétaire à la dérive

La ligne 65, baptisée « Dépenses communes », et la ligne 94, destinée aux « investissements à maturité rapide », sont depuis des années au cœur de controverses récurrentes. Longtemps considérées comme les angles morts du budget de l’État, elles permettaient des affectations de fonds peu traçables, parfois hors de tout cadre programmatique.

Ces lignes, dont les plafonds n’étaient pas rigoureusement définis, ont offert un terrain propice à des dérives financières, au cœur d’un système qualifié de « gestion parallèle » des finances publiques.Dans une correspondance officielle datée de juillet 2025, le président de la République a instruit leur suppression pure et simple à partir du budget 2026.

Martinez Zogo, voix fauchée pour avoir dérangé l’ombre

Cette décision présidentielle intervient près de trois ans après la mort tragique de Martinez Zogo. Le directeur de la radio privée Amplitude FM, figure médiatique redoutée pour ses enquêtes au vitriol, avait concentré ses dernières chroniques sur la ligne 94.

Il y dénonçait une hémorragie de milliards de francs CFA, détournés via des projets fictifs ou surfacturés, sous la bénédiction tacite de certaines sphères du pouvoir. Parmi les cibles nommément citées dans ses interventions radiophoniques, figurait Jean-Pierre Amougou Belinga, homme d’affaires proche de certains cercles sécuritaires et politiques.

Quelques jours avant sa disparition, Martinez Zogo annonçait détenir des preuves sur un vaste réseau de prédation budgétaire adossé à cette ligne 94. Son enlèvement brutal, suivi de son assassinat, a bouleversé l’opinion et suscité une onde de choc bien au-delà des frontières camerounaises.

Réforme ou aveu ?

La suppression des lignes 65 et 94, saluée par plusieurs observateurs comme une avancée vers une plus grande orthodoxie budgétaire, n’en reste pas moins ambivalente. Pour nombre de citoyens, cette décision tardive sonne comme la reconnaissance silencieuse d’un système que Martinez Zogo tentait de mettre à nu, au prix de sa vie.

Des voix s’élèvent désormais pour que le nom du journaliste soit associé à cette réforme historique. « Si l’on veut redonner du sens à la justice budgétaire, qu’on commence par réhabiliter ceux qui ont crié là où les autres se taisaient », glisse un acteur de la société civile à Yaoundé.

Et maintenant ?

Le retrait des lignes 65 et 94 du budget ne suffira pas à effacer les traces d’un passé douloureux. Les effets attendus sur la transparence financière dépendront de l’efficacité des nouveaux mécanismes de contrôle et de la volonté politique d’en finir avec les pratiques informelles.

Mais dans la mémoire collective, une chose est certaine : la voix de Martinez Zogo continue de résonner, comme un avertissement et un appel à la vigilance. Et pour beaucoup, ce tournant budgétaire n’est pas qu’un ajustement technique, c’est une victoire posthume.

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