Un petit matin de mai à Yaoundé. Dans une maison autrefois sans histoire, blottie dans un quartier populaire, une dispute éclate. L’une des filles de Saintdesir Atango, frustrée de se sentir négligée au profit de sa sœur, franchit une ligne qu’elle n’avait jamais osé franchir. Elle pousse la porte de la chambre et découvre son père, allongé dans le lit avec une autre de ses filles.
La scène intime, à laquelle elle réagit comme une coépouse éconduite, est immédiatement portée à la connaissance des voisins.C’est ainsi que l’affaire éclate. L’alerte est donnée, le choc est immense. Les forces de l’ordre sont appelées.
Lorsque la police arrive, elle découvre un homme calme, presque indifférent, entouré de filles visiblement consentantes, selon leurs propres mots. L’artiste Saintdesir Atango, de son vrai nom Désiré Dieudonné Atangana, vient de tomber. Mais la gravité des faits dépasse déjà le cadre d’un simple trouble familial.
Une justification en forme de manifeste
À peine relâché, l’homme prend la parole. Sur sa page Facebook, il revendique les faits avec une aisance désarmante. Il écrit : « Pour libérer l’Afrique, il faut se tirer des pièges contenus dans les dogmes religieux […]. Les rapports sexuels entretenus avec mes propres filles ont été consentants, jusqu’à ce que leur mère intervienne».
Se comparant au Christ, Atango tente de faire passer l’inceste pour un acte de rupture avec l’héritage colonial. Au fil de ses écrits, Atango évoque une succession coutumière contestée, une conspiration autour du lac d’Akak I, un combat spirituel contre la religion chrétienne. Certains y voient les prémices d’un délire mégalomane.
Mais pour d’autres, ces élucubrations masquent une volonté bien plus simple : garder le contrôle total sur ses filles, physiquement, psychologiquement et socialement. À travers des formules ésotériques, il évoque une « Afrique originelle, libérée des interdits importés » .
Mais derrière le vernis idéologique, les faits restent glaçants.Les non-dits d’un quartier mal à l’aisePlusieurs habitants du quartier affirment, sous couvert d’anonymat, que l’ambiguïté entre Atango et ses filles ne date pas d’hier. Ils parlent de gestes déplacés dans des bars, de disputes ouvertes entre sœurs « jalouses de la place dans le lit du père », de regards qui en disaient long.
Un enfermement maquillé en amour
Le discours de certaines des filles ne dissipe pas l’effroi. L’une d’elles, aujourd’hui mère de plusieurs enfants issus de son père aurait que « selon notre religion, mon père est mon premier mari, il ne nous a jamais séquestré». Une phrase qui, pour un psychiatre interrogé par Afrik Inform, révèle surtout le poids de l’embrigadement mental. « C’est un cas typique de syndrome de Stockholm, nuance un psychologue basé à Yaoundé. Quand l’auteur de l’abus devient aussi la seule source d’affection, d’autorité et de repère, la victime développe des mécanismes d’attachement pathologiques. Elle finit par justifier l’injustifiable, par loyauté, par peur ou pour survivre » affirme le Dr Jean Pierre Osso.
Ce trouble est d’autant plus complexe lorsqu’il s’ancre dans une cellule familiale où l’abus devient le langage affectif dominant. À l’isolement s’ajoute alors la confusion identitaire : difficile, pour une jeune fille élevée dans une telle atmosphère, de distinguer la tendresse du conditionnement, l’amour de la soumission.
Quand la loi se heurte au sacré dévoyé
L’article 360 du Code pénal camerounais ne laisse pourtant aucun doute : l’inceste, même consenti, est puni d’un à trois ans d’emprisonnement. Mais dans ce cas, c’est aussi la lenteur des procédures qui interroge. Saintdesir Atango a été brièvement relâché avant d’être à nouveau convoqué. Une nouvelle audition est en cours, alors que l’émotion grandit dans l’opinion.
L’avocate Alice Nkom, l’une des premières à réagir publiquement, n’élude pas l’ampleur du drame : « Ce n’est pas une simple déviance. C’est un crime. Il faut que la justice agisse sans trembler » Martelle t’elle avant de relancer « Ce crime ne peut rester impuni. Aucune spiritualité, aucun dogme, aucune religion ne peut justifier ces actes ».
L’analyste David Eboutou lui a parlé de « pur-satanisme », et il exige que l’artiste soit « sévèrement sanctionné » .
Pendant que l’enquête suit son cours, Saintdesir Atango, lui, continue d’écrire. Non pas pour demander pardon, mais pour revendiquer. À l’ombre des barreaux ou dans les interstices de la loi, il poursuit son œuvre d’autosacralisation, là où d’autres panseront longtemps des plaies invisibles.
Car, malheureusement, il arrive encore qu’un crime porte la barbe du prophète et que le viol s’habille des mots du sage.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️