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Cameroun| Guerre de décolonisation et indépendance : que contient le rapport des historiens remis à Paul Biya et à Macron ?

Par Afrik-Inform
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Pendant des décennies, la mémoire de la répression coloniale française au Cameroun est restée dans l’ombre. Mais un rapport inédit, fruit d’une collaboration entre historiens camerounais et français, lève enfin le voile sur cette période marquée par une violence extrême.

Remis le 28 janvier au président Paul Biya, ce document de plus de 1000 pages confirme ce que nombre de chercheurs et témoins évoquaient déjà : la France a mené, entre les années 1950 et 1970, une véritable guerre de décolonisation contre les mouvements indépendantistes camerounais, notamment l’Union des populations du Cameroun (UPC).

Une « guerre totale », affirment les auteurs, qui ne se sont pas limités aux affrontements militaires. Derrière le rideau de fumée des discours officiels se dessine une répression multiforme : exécutions ciblées, emprisonnements arbitraires, déplacements massifs de populations, censure politique et même une diplomatie orchestrée pour museler les indépendantistes sur la scène internationale.

Une violence organisée sous couvert d’autorité

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Karine Ramondy, historienne et cheffe de projet du rapport, souligne l’ampleur des violences illégales orchestrées par les autorités coloniales : « Nous avons documenté la mise en place au Cameroun d’une justice racialisée et inégalitaire. » Derrière ces mots se cache une machine répressive redoutable où tribunaux d’exception, torture et assassinats politiques constituaient le quotidien des militants indépendantistes.

Un exemple emblématique de cette brutalité : le massacre d’Ekité, dans la nuit du 30 au 31 décembre 1956. Ce jour-là, les forces françaises prennent d’assaut une réunion de l’UPC, laissant derrière elles un carnage. Officiellement, il s’agirait d’un simple accrochage avec des rebelles.

Mais les archives et les témoignages racontent une toute autre histoire : un massacre dissimulé sous un vernis de légalité, les chiffres de victimes étant volontairement minimisés.Contrairement à la guerre d’Algérie, ce conflit n’a pas mobilisé de soldats français issus du contingent, limitant ainsi son impact sur l’opinion publique hexagonale.

De plus, le Cameroun, placé sous tutelle de l’ONU, ne jouissait pas du même statut que les colonies classiques, permettant à la France d’agir avec plus de discrétion.Le silence s’est également imposé au Cameroun après l’indépendance.

Le premier président, Ahmadou Ahidjo, a préféré taire cette histoire pour mieux asseoir son pouvoir. Officiellement, l’indépendance aurait été obtenue dans une atmosphère pacifique, sans heurts ni répression sanglante.

Une version qui a longtemps prévalu dans les manuels scolaires, reléguant les résistants de l’UPC aux marges du récit national.

Une guerre qui s’est poursuivie après l’indépendance ?

Loin de s’arrêter en 1960, la violence s’est prolongée bien au-delà de la proclamation officielle de l’indépendance. Le rapport démontre comment l’armée française a continué à jouer un rôle clé dans la répression des opposants au régime d’Ahidjo. Bombardements aériens, assassinats politiques, arrestations massives… Les méthodes n’ont guère évolué.

Les mois de novembre et décembre 1960 sont particulièrement meurtriers : Félix Moumié, leader de l’UPC, est empoisonné à Genève par un agent des services secrets français, tandis que Paul Momo et Jérémie Ndélélé sont exécutés dans des opérations de « pacification ».

En tout, cinq figures majeures du mouvement indépendantiste ont péri sous les coups de cette répression méthodique.

Quelle reconnaissance pour les victimes ?

Si ce rapport constitue une avancée dans la quête de vérité, il reste encore de nombreuses zones d’ombre. Les chercheurs n’ont pas eu accès aux archives camerounaises postérieures à 1964, rendant difficile une reconstitution complète des faits.

Pourtant, côté français, 2 300 documents classifiés ont été déclassifiés pour l’occasion. La publication de ce rapport soulève désormais une question essentielle : la France reconnaîtra-t-elle officiellement sa responsabilité ?

Les recommandations formulées , inscription dans les programmes scolaires, création de lieux de mémoire, reconnaissance des crimes commis, seront-elles suivies d’effets ?

Alors que d’autres nations ont amorcé un travail de mémoire sur leur passé colonial, il est évident que le Cameroun et la France sont aussi prêts à briser le long silence sur le leur.

Constantin GONNANG, Afrik Inform ☑️

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