Au cœur du Cameroun, dans un écrin naturel façonné par les eaux du fleuve Sanaga, un sanctuaire singulier accueille des chimpanzés rescapés, espèce gravement menacée d’extinction. Ici, sur une constellation d’îles boisées, ces primates trouvent refuge, loin des griffes du braconnage et des dangers qui ravagent leur habitat naturel.
Le silence du fleuve est brusquement rompu par un cri familier. Depuis sa pirogue, Fabrice Moudoungue, soigneur dévoué de l’association Papaye International, reconnaît immédiatement les voix des résidents poilus. Chaque jour, il nourrit et veille sur ces 34 chimpanzés comme s’ils étaient sa propre famille. « On passe tout le temps, tous les jours avec eux », confie-t-il, le regard empreint de tendresse.
Sur son embarcation, des fruits s’amoncellent : tomates juteuses, bananes dorées, noix de coco savoureuses et quelques dattes pour agrémenter le festin. Les chimpanzés, impatients, accueillent Fabrice avec une effervescence palpable. Une complicité rare s’est tissée, fruit d’années de soins attentifs et de patience infinie.
Quand l’instinct s’efface devant l’amitié
À l’approche de l’île de Yatou, François Elimbi, responsable du sanctuaire, est soudain enlacé par Miel, une femelle relâchée il y a plusieurs années après une décennie de réhabilitation. Ce câlin inattendu bouleverse François. « Ça donne même la chair de poule quand tu vois un singe qui te fait un câlin. Là, ça veut dire qu’il te reconnaît encore, tu es son ami », murmure-t-il, submergé par l’émotion.

Ces gestes d’affection rappellent combien ces animaux partagent une proximité troublante avec l’humain. « Les chimpanzés possèdent 98 % d’ADN commun avec les hommes », souligne Marylin Pons Riffet, présidente de Papaye International.
Entre ses allers-retours entre la France et le Cameroun, elle s’attache à sensibiliser le monde sur la situation critique de ces primates. Chassés pour leur viande et privés de leur habitat naturel, leur survie est désormais entre les mains de l’homme.
Des orphelins aux destins brisés
Dans les forêts denses qui bordent la frontière entre le Nigeria et le Cameroun, il ne reste plus qu’entre 1 200 et 2 400 chimpanzés, un chiffre alarmant. Le sanctuaire, véritable arche de Noé pour ces animaux orphelins, leur offre une seconde chance. Ici, tout est pensé pour recréer un environnement serein où ils peuvent vivre en paix.
Pour les plus jeunes, l’autonomie est encore un rêve lointain. Tchossa et Conso, deux petites boules de poils, profitent de hamacs confortables et d’une balançoire installée près des habitations des soigneurs. Parmi eux, Alioum Sanda joue le rôle de « maman de substitution ».
Conso, un malicieux chimpanzé de six ans, a trouvé en lui un protecteur et un soignant attentif.« Je lui mettais des couches, je l’essuyais avec des lingettes. Quand il y avait des blessures, on s’occupait d’elles jusqu’à leur guérison », raconte Alioum, montrant les cicatrices laissées par les violences infligées à Conso après la mort tragique de sa mère, abattue par des braconniers.
Un combat pour les générations futures
Fondée en 2001, l’association Papaye International œuvre sans relâche pour préserver ces êtres extraordinaires. Avec le soutien d’organisations telles que 30 Millions d’Amis et la Fondation Brigitte Bardot, le sanctuaire accueille des éco-volontaires venus des quatre coins du globe.

Chaque geste, chaque soin est une pierre à l’édifice d’un avenir où les chimpanzés ne seront pas relégués à de simples souvenirs. « On doit tout faire pour qu’ils soient encore là demain, pour que nos enfants et petits-enfants aient la chance de les connaître », insiste Alioum, déterminé.
Sur ces îles sanctuaires, au creux de la nature, un combat discret mais essentiel se joue chaque jour, car, dans ce coin de paradis, c’est une part de l’humanité que l’on tente de sauver.
Constantin GONNANG avec AFP pour Afrik Inform ☑️