Ouverts le 6 mai 2025 à Yaoundé par la ministre de l’Habitat et du Développement urbain, Célestine Ketcha Courtès, les États généraux sur la gestion des ressources en déchets urbains ont permis de poser les bases d’une réforme profonde du secteur. Infrastructures, financement, économie circulaire, gouvernance… les assises ont débouché sur un ensemble de mesures structurantes qui annoncent un tournant dans la salubrité des villes camerounaises.
Un rendez-vous pour “changer de paradigme”
Durant deux jours, les 6 et 7 mai, la grande salle du Conseil régional du Centre s’est transformée en agora des déchets. Représentants des ministères techniques, maires, bailleurs de fonds, acteurs de la société civile, experts en assainissement : tous ont répondu à l’appel conjoint du MINHDU et du MINDDEVEL pour participer à ces États généraux.
Une mobilisation à la hauteur des enjeux, comme l’a souligné la ministre Célestine Ketcha Courtès : « Le moment est venu pour nos villes de sortir définitivement du désordre en matière de gestion des ordures. Ce que nous lançons ici, c’est une réforme systémique pour bâtir des villes propres, durables et économiquement viables ».
Parmi les grandes décisions actées : l’élimination à terme des bacs à ordures le long des axes routiers. Ceux-ci seront progressivement remplacés par des plateformes de regroupement modernes, dont la construction débutera dès cette année à Douala et Yaoundé. Cette mesure vise à réorganiser la chaîne de collecte des déchets, tout en réduisant les nuisances visuelles, sanitaires et olfactives liées à ces points noirs urbains.
Un financement repensé, plus autonome pour les Communes
Autre avancée majeure : la création d’un compte spécial d’affectation dédié au transfert effectif des ressources vers les Communes et Communautés urbaines. L’objectif est clair : donner aux collectivités locales les moyens d’agir.
Un groupe de travail interministériel, impliquant notamment le MINFI, le MINEPAT et le FEICOM, devra soumettre dans un délai de trois mois une proposition de réforme globale du financement. Dans le même sillage, les communes seront davantage impliquées dans la contractualisation : « Dès l’année n-1, les Communautés urbaines devront préparer leurs contrats de collecte, avec possibilité de recourir aux accords-cadres prévus par le Code des marchés publics » , peut-on lire dans le document de synthèse des résolutions.
Faire des déchets une ressource : cap sur l’économie circulaire
Les assises ont également acté un changement de regard fondamental : considérer les déchets comme une ressource à valoriser. Ainsi, une feuille de route en cours d’élaboration sera transformée en Document de politique nationale sur les ressources en déchets.Le gouvernement a annoncé son soutien financier aux initiatives privées en économie circulaire dès le budget 2026.
Des mesures d’accompagnement sont également prévues, comme l’ouverture de filières de formation (BTS, Masters) en économie circulaire, ou encore la création de “boutiques de récupération” pour certains déchets comme le plastique.
Une gouvernance plus cohérente, des sanctions renforcées
Les participants ont recommandé la révision des articles 157 et 241 du Code de la décentralisation afin d’attribuer aux communes d’arrondissement des compétences claires en matière de collecte, de tri et de valorisation. Côté répression, les amendes en cas d’infractions à l’hygiène publique passeront de 5 000 à 25 000 FCFA.
Enfin, un Comité interministériel de suivi sera mis en place dans les prochaines semaines pour piloter la mise en œuvre de la feuille de route, tandis que les associations de maires devront créer des cellules de veille spécifiques.
Pré-collecte : vers une filière professionnalisée
Le découpage des communes en zones de pré-collecte confiées à des associations agréées, la mise à disposition de tricycles par l’État, ou encore l’organisation des journées de propreté encadrées par les comités de quartier sont autant d’initiatives retenues pour structurer et professionnaliser la pré-collecte. « Les communes doivent devenir les véritables chefs d’orchestre de la propreté. Pour cela, elles auront plus de moyens, mais aussi plus de responsabilités» , a insisté un cadre du MINHDU.
Si la réussite de cette ambitieuse réforme dépendra de la volonté des acteurs à appliquer les résolutions prises, les États généraux de Yaoundé auront au moins eu le mérite de poser les bases d’une nouvelle gouvernance urbaine, axée sur la responsabilité locale, la durabilité et l’innovation. « Nos villes doivent devenir des vitrines d’un développement propre. C’est une exigence, pas une option » , a conclu Célestine Ketcha Courtès sous les applaudissements.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️